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La santé organisationnelle en questions

L’interdisciplinarité s’avère un passage obligé pour cerner les enjeux et les problèmes organisationnels. Un colloque organisé par l’UdeS aura lieu au prochain congrès de l’Acfas

Lise Desmarais, France St-Hilaire et Rachèle Hébert organisent le colloque «La santé organisationnelle : des enjeux disciplinaires aux questions scientifiques» lors du prochain congrès de l'Acfas.
Lise Desmarais, France St-Hilaire et Rachèle Hébert organisent le colloque «La santé organisationnelle : des enjeux disciplinaires aux questions scientifiques» lors du prochain congrès de l'Acfas.
Photo : UdeS - Michel Caron

Le monde du travail change et les enjeux liés à la santé organisationnelle (SO) attirent de plus en plus l’attention des chercheurs et des praticiens de plusieurs disciplines. Les coûts élevés associés à l’invalidité, l’absentéisme ou le présentéisme ainsi que la recherche d’efficience confrontent plusieurs organisations à des enjeux de ressources humaines souvent difficiles à résoudre. Bien au-delà des accidents de travail, les problèmes de santé psychologique prennent de plus en plus d’importance au sein des organisations. Si les liens entre la santé des travailleurs et leur performance sont bien démontrés, les experts des différentes disciplines parlent-ils toujours le même langage quand vient le moment de proposer des solutions en matière de SO? Les professeures France St-Hilaire et Lise Desmarais ainsi que la professionnelle de recherche Rachèle Hébert organisent un colloque interdisciplinaire sur ce sujet les 12 et 13 mai, au 84e congrès de l’Acfas. Responsable de l’Équipe de recherche en santé et bien-être des individus au sein des organisations (ERSBIO), France St-Hilaire a accepté de répondre à nos questions.

USherbrooke/nouvelles : Pouvez-vous donner un exemple concret de mutation dans le monde du travail qui a des effets sur la SO?

France St-Hilaire :En plus de l’évolution démographique ainsi que le transfert et la pénurie de main-d’œuvre, l’une des mutations marquantes concerne l’intensification du travail qui se traduit, entre autres choses, par la compression des coûts associés à la productivité ; l’adaptation aux technologies de l’information et des communications (TICS); l’augmentation des situations d’urgence au travail; ainsi que la réduction de la marge de manœuvre des salariés. Tous ces changements sont en cause dans l’augmentation du stress chez les travailleurs, et des conséquences qui en découlent.

US/n : En règle générale, les employeurs sont-ils bien outillés ou se sentent-ils démunis face aux enjeux de SO?

F. St-Hilaire : Si les employeurs sont de plus en plus conscients de l’importance de la SO, il demeure difficile d’implanter des interventions intégrées et de maintenir les efforts. Lors d’importants changements ou encore lors de turbulence économique, ce sont trop souvent les premières sphères de l’organisation qui sont coupées ou laissées de côté. Ces interventions sont considérées comme des dépenses. Paradoxalement, s’occuper de la santé organisationnelle permettrait aux organisations de mieux traverser ces périodes de turbulence. Le grand enjeu est de développer des interventions efficaces, aller au-delà des bonnes idées et de les intégrer à la culture organisationnelle.

US/n : Les salariés sont ils conscients de leur rôle en matière de SO?

F. St-Hilaire : Durant les dernières années, les chercheurs et les organisations ont mis de l’avant le rôle central des gestionnaires à l’égard de la SO. Si le gestionnaire a la première responsabilité, il n’a pas toute la responsabilité. Qui plus est, les gestionnaires de premier niveau représentent le corps d’emploi qui rapporte vivre le plus de stress actuellement. Ainsi, il est primordial d’adopter davantage une approche de responsabilité partagée en SO et d’implanter des interventions qui concernent tous les acteurs organisationnels.

US/n : L’une des approches en SO met de l’avant l’interaction entre la santé du travailleur et la santé de l’organisation. Ce concept est-il bien intégré dans les organisations?

F. St-Hilaire : La santé des travailleurs est surtout abordée dans les organisations sous l’angle de la prévention des maladies ou des accidents ainsi que de la gestion des invalidités. C’est lorsqu’on s’intéresse à la prévention, voire à la promotion de la santé physique et psychologique que l’on peut mieux lier la santé globale du travailleur à davantage de performance, et ultimement, à la productivité et à la profitabilité des organisations. Dans les organisations, les deux dimensions santé et productivité sont bien souvent abordées séparément.

US/n : Comment l’approche interdisciplinaire peut-elle être mise à profit pour bien cerner les problèmes complexes de SO?

F. St-Hilaire : Si la SO interpelle plusieurs disciplines (ressources humaines, santé et sécurité au travail, psychologie, management), il reste que la SO n’est pas professionnalisée. Les défis auxquels sont confrontés les chercheurs et les organisations sont de réunir toutes ces disciplines pour contribuer à un même objet, un peu comme dans la recherche sur le cancer. De manière concrète, et ce, malgré le fait que les sciences humaines et sociales doivent composer avec des théories, modèles et approches qui ne sont pas toujours compatibles, voire divergents, l’interdisciplinarité s’avère un passage obligé, mais qui présente  d’énormes défis. Pour ce faire, les disciplines doivent travailler sur les enjeux et des problèmes organisationnels, plutôt qu’en vase clos à l’intérieur de chacune des disciplines.

US/n : On voit parfois certains chefs d’entreprise en vue plaider l’importance d’une vie équilibrée pour réussir. Est-ce qu’on assiste à un changement de discours quant à notre rapport au travail et à la performance?

F. St-Hilaire : Oui et non. Il y a certainement un discours prégnant sur l’importance de la santé, mais il faut l’actualiser par des gestes concrets. Par exemple, on a entendu Richard Branson (Virgin) qui offrait à ses salariés de prendre autant de congés qu’ils le souhaitaient pour autant qu’ils soient à jour dans leur dossier. Mais qu’arrive-t-il s’il leur est impossible d’être à jour dans leurs dossiers en raison du nombre trop élevé de demandes? Non seulement, on prive le salarié de cette mesure, mais on lui envoie le message qui n’est pas à la hauteur. Une mesure devant favoriser la santé se transforme en stresseur, la responsabilité repose uniquement sur le travailleur et l’organisation du travail n’est pas interrogée. D’autres entreprises mettent de l’avant des mesures pour favoriser la santé, mais ce ne sont pas toujours des mesures efficaces. Je peux vous offrir des massages sur chaise le midi, mais si je vous fais des demandes irréalistes en plus de vous imposer des délais serrés, je n’aurai aucun effet positif sur votre santé et votre productivité. Ainsi, il ne suffit pas de discourir sur la santé, il faut agir en tant qu’employeur. Cela signifie un changement de la culture organisationnelle,des pratiques de gestion ainsi que des comportements des employés. Et il est là, le nerf de la guerre.

Dans la vidéo qui suit, découvrez les idées avancées sur la santé organisationnelle par l’Équipe de recherche en santé et bien-être des individus au sein des organisations de l’UdeS.

Découvrez les idées avancées sur la santé organisationnelle par l’Équipe de recherche en santé et bien-être des individus au sein des organisations de l’UdeS.

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