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Les glaciers fondent... à vue de radar satellite

Le professeur Alain Royer et son étudiant Charles Papasodoro s'intéressent à la fonte des glaciers.
Le professeur Alain Royer et son étudiant Charles Papasodoro s'intéressent à la fonte des glaciers.

Photo : Michel Caron

Imaginez une piscine de 1 km de long, sur 1 km de large et 1 km de profondeur et multipliez le tout par 3…  voilà la perte d’eau moyenne annuelle de la calotte glaciaire Barnes, en Terre de Baffin.

Estimer la quantité d'eau que perdent ces calottes chaque année pour aller gonfler les océans reste une tâche difficile qui a longtemps été basée sur des mesures terrains coûteuses et peu nombreuses. Charles Papasodoro, étudiant à la maîtrise en sciences géographiques, a donc proposé une approche originale pour la mesurer : la stéréo-radargrammétrie. La quoi? «Il s’agit d’une "science" relativement nouvelle qui consiste à utiliser des images radars satellites  au lieu d’une paire de photographies aériennes, ou d’un couple de photos satellites», résume-t-il.

Utiliser le radar complique le travail de mesure, car son mode d’acquisition modifie les perspectives tridimensionnelles et son signal mesuré est très sensible au type de surface (glace lisse ou rugueuse, neige fraîche ou pas…) Mais il présente aussi un avantage majeur. «Le radar permet de "voir" à travers les nuages, et ainsi d'analyser des glaciers presque jamais visibles par les satellites optiques, car toujours sous une couverture nuageuse comme en Alaska ou en Patagonie», souligne l’étudiant.

«L'approche est vraiment intéressante, car elle ouvre de nouvelles perspectives de suivi des calottes partout dans le monde», mentionne Alain Royer, chercheur au Centre d'applications et de recherches en télédétection (CARTEL) et directeur de thèse de Charles Papasodoro.

Les glaciers fondent à une vitesse alarmante, selon les chercheurs.
Les glaciers fondent à une vitesse alarmante, selon les chercheurs.
Photo : fournie

Des résultats alarmants

Dans le cadre de son projet, Charles a ainsi montré que la calotte glaciaire Barnes, en Terre de Baffin, rétrécit de 2 à 3 fois plus rapidement depuis 1995 que durant les 3 décennies précédentes.

L’exercice, réalisé à partir d’images satellitaires optique et radar, a aussi été effectué pour les calottes glaciaires Penny, Grinnell et Terra Nivea, également en Terre de Baffin. «Elles sont les calottes les plus au sud de l'Archipel arctique Canadien. Dans le contexte du réchauffement climatique actuel, ces calottes sont les plus vulnérables, explique Charles. On a montré que la fonte de la petite calotte Terra Nivea s'est accélérée d'un facteur 6 entre 1959-2007 et 2007-2014. Grinnell a perdu plus de 27 m de hauteur en moyenne depuis 62 ans. Ces calottes vont disparaître très rapidement si la tendance se maintient!»

«Les résultats trouvés pour ces calottes du sud de l’île de Baffin sont impressionnants par leur amplitude. Les glaciers de l’Arctique canadien sont devenus les plus grands contributeurs de l’augmentation du niveau de la mer, après le Groenland et l’Antarctique. On est en train de perdre en 200 ans les derniers vestiges des glaces de la dernière glaciation, qui ont résisté plus de 20 000 ans», ajoute Alain Royer.