L'hiver est fini, vivement l'hiver prochain!
SANDRA BOISSÉ
Alain Royer et Kalifa Goïta
pensent déjà à l'hiver prochain! En 2008, les deux pieds dans la
neige, ils pourront prédire l'avenir. Les deux professeurs du Département de
géomatique appliquée viennent d'obtenir une subvention de 280 000 $ du
gouvernement du Canada pour leur participation à l'un des 44 projets
canadiens de l'Année polaire internationale. Le professeur Royer était
d'ailleurs à Kuujjuak la semaine dernière pour une réunion de lancement des
14 projets canadiens qui se dérouleront au Nunavik. L'étude à laquelle
prendront part les chercheurs de l'UdeS porte sur la variabilité et les
changements dans la cryosphère canadienne.
La cryosphère représente l'ensemble des constituants des surfaces
terrestre et marine composés de glace, incluant les sols enneigés, glaciers
et calottes glaciaires, notamment. Les variations en étendue de ces énormes
masses d'eau à l'état solide sont étroitement associées aux évolutions du
climat.
La contribution des professeurs sherbrookois à ce projet de 4,5 M$ –
piloté par Anne Walker, du Service météorologique canadien – permettra de
réaliser la plus importante campagne de mesures de la télédétection de la
neige jamais réalisée dans l'est du Canada. Cette campagne, prévue à
l'hiver 2008, aura deux volets : un volet temporel avec des mesures en
continu tout l'hiver à Schefferville; et un volet spatial avec une traversée
de plus de 2000 km sillonnant le Québec. De Sept-Îles à Salluit et
Puvirnituq, en passant par Wabush, Schefferville et Kuujjuak, les
professeurs recueilleront des données pour obtenir des représentations
fiables de la neige au sol. L'objectif? Prévoir l'avenir en interprétant les
changements observés et en fournissant des données aux modèles de prévision
du climat.
«Il s'agit d'un déploiement sans précédent, qui nous permettra
d'améliorer notre compréhension de la variation du couvert nival sur un très
grand gradient latitudinal dans le nord du Québec», explique Alain Royer,
directeur du Centre d'applications et de recherches en télédétection
(CARTEL). «Nous ferons des analyses à partir du sud de la forêt boréale
dense jusqu'à la toundra désertique au nord, en passant par la taïga. Cette
campagne sera aussi une source d'information unique pour la mise au point et
la validation de modèles d'inversion des données satellitaires pour la
caractérisation de la neige.»
Le professeur précise également que la diversité des types
d'environnements rencontrés au Canada rend très difficile l'analyse précise
des observations spatiales. «La forêt masque le signal de la neige. Les
différences de climat et de conditions de neige dans l'espace et dans le
temps, dues notamment à la transformation des grains de neige en fonction de
la température, demandent des modèles qui tiennent compte de cette
variabilité du manteau neigeux, liée au climat.»
Une analyse difficile mais essentielle!
Dans le contexte du réchauffement climatique actuel, l'analyse du couvert
nival devient un enjeu majeur. Parce que la neige est très réfléchissante,
qu'elle a des propriétés isolantes et qu'elle est une source d'humidité dans
l'air, elle a une influence profonde sur les interactions de la surface et
de l'atmosphère. Par leur rôle dans les cycles énergétiques et hydrologiques
de grande échelle, ces influences peuvent s'étendre bien au delà des régions
couvertes de neige. Les variations au fil des années du couvert de neige
sont influencées par la circulation atmosphérique et donc conditionnent les
changements climatiques à grande échelle.
Des rayons cosmiques à la rescousse
Une originalité de la contribution du CARTEL à ce projet sera aussi
l'utilisation d'un nouvel instrument de mesure en continu de la valeur en
eau de la neige : un nivomètre à rayon cosmique. Avec cet instrument, les
chercheurs détermineront l'équivalent de la quantité d'eau que représente le
manteau neigeux. Premier instrument du genre en Amérique du Nord, cet
appareil, développé en France et acquis grâce à une subvention du Conseil de
recherches en sciences naturelles et en génie, a été mis en œuvre cet hiver
sur le site expérimental SIRENE du CARTEL, sur le Campus principal de
l'Université de Sherbrooke, avec la participation de Patrick Cliche,
ingénieur au CARTEL.
Même si tout le monde sait que la neige est composée d'eau, bien peu de
gens arrivent à mesurer sa valeur de façon régulière. Les facteurs à mesurer
sont la hauteur de la neige, une donnée standard obtenue dans les stations
météorologiques; et la densité de la neige, que nous ne connaissons pas. Et
c'est ce que le nivomètre à rayon cosmique, jumelé avec des mesures de
radiométrie micro-ondes au sol, aéroportées et satellitaires, permettra de
déduire en générant une base de données exceptionnelle et unique pour la
validation des modèles.
Ce projet se poursuivra jusqu'en 2010. En plus des professeurs Royer et
Goïta, Hardy Granberg collaborera à cette étude du couvert nival. Plusieurs
doctorants en télédétection et assistants de recherche du CARTEL
participeront également au projet.
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