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Premiers regards sur le Niger
JOSÉE CHARBONNEAU
Étudiante à la maîtrise en environnement
Alors qu'il y a quelques semaines la neige crissait sous mes
pas, aujourd'hui mes pieds ont peine à supporter la chaleur du sable orangé
qui borde les rues du Niger. Le soleil est ici un incontournable élément du
quotidien puisque le pays est actuellement en saison sèche. Pleut-il à
l'occasion? Jamais en saison sèche, nous dit-on.
En compagnie de six autres Québécois, je participe au projet
D'un fleuve à l'autre
voué à la protection des ressources et de l'environnement dans sept villages
de la région de Tillabéri. La blancheur de notre peau tente tranquillement
de se faire aux conditions climatiques en arborant une couleur dorée, encore
bien loin de nous rendre anonymes dans la foule nigérienne. Chacun de nos
passages se trouve donc ponctué de «Fofo a nassara!», expression
zarma pour
nous saluer gentiment sous la forme d'un «Bonjour le Blanc, la Blanche!».
Malgré cette blancheur caractéristique, tous sont heureux de
nous inclure dans leurs activités quotidiennes. Cette situation, je l'ai
surtout expérimentée à Tillabéri où nous sommes hébergés dans des familles.
Au nombre de deux stagiaires par famille d'accueil, nous avons rapidement
été accueillis tels des membres de la famille par tous. Un accord tacite a
été mis en place afin que chacun puisse profiter de la présence de l'autre :
alors que notre famille d'accueil tire profit de notre connaissance de la
langue française, nous en profitons nous-mêmes pour élaborer notre
vocabulaire zarma,
ce qui n'est pas toujours très facile. Tant les parents que les enfants
peuvent donc s'amuser des balbutiements qui caractérisent notre
apprentissage.
D'ailleurs, ici les enfants ne manquent pas; les femmes ont en
moyenne sept enfants et ceux-ci partagent leur temps entre la maison
familiale et celles des voisins. Le nid familial s'étend généralement à
l'ensemble des maisons de la rue, voire du quartier. À tel point qu'il
devient parfois difficile de distinguer les membres d'une famille parmi la
panoplie de gens qui fréquentent une maison. Cette proximité entre les gens
entraîne une énergie hors du commun et les enfants que j'ai rencontrés ont
tous une étincelle de curiosité dans les yeux et le désir d'entrer en
contact avec les gens qu'ils rencontrent. Il en ressort une fraîcheur
enfantine et une imagination débordante qui laissent place à une spontanéité
exceptionnelle. Cette curiosité nous a amenés à leur apprendre certains jeux
et pas de danse de chez nous. Par exemple, le
limbo a fait
de nombreux adeptes parmi les enfants du quartier, dont certains excellent
d'ailleurs en ce domaine.
Au niveau professionnel, on se rend rapidement compte que le
temps ici est circulaire. Ceci fait en sorte que depuis notre arrivée, il y
a plus d'un mois, notre emploi du temps a été presque exclusivement consacré
à la visite des villages, de façon à rencontrer leurs chefs. À la suite de
cette tournée, nos activités ont pu débuter malgré la restructuration quasi
quotidienne de notre agenda. Une seule chose ne change toutefois pas jour
après jour : l'attente… En effet, malgré tous les efforts, rien ne peut
empêcher les délais entre l'horaire prévu et la réalité!
Cette situation explique
sans doute pourquoi on a cru utile d'ajouter, parmi les salutations, une
question significative : «Mate souro?» ou encore «Et la patience?». J'ai
bien indiqué
parmi les salutations puisque
celles-ci semblent pouvoir se poursuivre
ad vitam aeternam. Il m'est
arrivé à l'occasion de croiser des femmes posant une question après l'autre
jusqu'à ce que, les yeux remplis de points d'interrogation, je les regarde
sans trop bien savoir que répondre. Elles s'esclaffent alors et me laissent
poursuivre mon chemin. Il importe de préciser qu'ici, les salutations sont
en fait des questions visant à savoir comment va la famille, la maison, la
journée ou la soirée, le travail, etc.
En somme, en plus d'avoir
appris la patience, nous aurons également eu l'occasion de découvrir bien
d'autres choses : la chaleur et la bonne humeur continuelle de chacune des
personnes rencontrées incitent à se rendre compte vraiment de tous les
petits plaisirs de la vie. Parmi ceux-ci, notons un plaisir que j'ai
découvert et qui, pour plusieurs, paraîtra anodin : le bonheur de se laver
sous le chaud soleil nigérien de l'après-midi. La sensation simultanée de la
fraîcheur de l'eau et de la chaleur du soleil sur la peau est totalement
indescriptible. Pendant un bref instant, seul l'environnement immédiat
importe et d'un coup, on se sent totalement revivifié. De nombreux autres
moments individuels deviennent ainsi délectables, surtout lorsqu'on a
accepté que rien n'arrive en temps prévu. On s'aperçoit alors que chacun des
moments d'attente entre deux activités n'est qu'une occasion de plus pour se
détendre ou se ressourcer. Au Niger, chacun prend bien le temps de vivre!
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