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Liaison, 17 août 2006
Découvertes livres
Critique invitée : MÉLANIE ST-CYR
Étudiante à la maîtrise en études françaises
Dans les bois éternels, Fred Vargas
D'entrée de jeu, je dois vous avouer que ma lecture de Dans les bois
éternels, dixième roman policier de Fred Vargas publié aux Éditions
Viviane Hamy, était ma première incursion dans le monde littéraire de la
prolifique reine française du polar. J'ignorais que ses précédents livres,
traduits ou en cours de traduction dans plus de 30 pays, ont reçu nombre de
récompenses françaises et étrangères dont le Prix des libraires, le Prix des
lectrices du magazine Elle et le Ceutscher Krimipreis. Ce fut donc
pour moi une agréable surprise de découvrir une prose riche et un style
d'écriture à faire rougir l'auteure en herbe que je suis.
La romancière de l'Hexagone abreuve le lecteur de dialogues savoureux et
de jeux de mots imagés qui donnent le ton au récit tout en promenant le
lecteur dans le temps à son aise à l'aide de nombreuses digressions qui
permettent à ceux n'ayant jamais fréquenté l'écriture de Vargas de
comprendre les failles, les qualités et le passé des personnages de
l'histoire. Je vous avertis, une fois plongé dans les bois éternels, vous ne
pourrez plus vous en éloigner trop longtemps. Dans l'univers créé par
Vargas, le lecteur est propulsé auprès du commissaire Adamsberg, éternel
pelleteur de nuages lisant un livre d'architecture à son fils pour
l'endormir, et de sa brigade dont les membres sont tous aussi particuliers
les uns que les autres. Problèmes d'alcool, de concentration, de sommeil, de
jalousie, organisme particulier capable de concentrer son énergie et
discours versifié inspiré de Racine, voilà quelques caractéristiques des
officiers de police composant cette équipe de héros anticonformistes et
étonnamment efficaces compte tenu de l'accumulation de leurs tares et des
liens complexes qui les unissent.
En fait, l'enquête menée par Adamsberg dans les bois éternels ne semble
qu'un prétexte pour explorer un univers parfois surréaliste composé de
personnages complexes possédant tous leur petite histoire, leurs tics
verbaux et leurs manies qui les rendent immédiatement reconnaissables et si
attachants. Toutefois, l'intrigue habilement construite par Vargas regorge
de surprises et devrait satisfaire l'appétit des lecteurs ayant déjà goûté à
la recette de l'auteure française. Tous les ingrédients sont réunis pour
concocter un délicieux mélange digne de ceux que préparent le médecin
légiste Legarde, qui aromatise son café avec de l'orgeat!
Parmi ces ingrédients : de vieilles rivalités qui viennent troubler le
présent, des vierges et des cerfs assassinés, une revenante dans le grenier
d'Adamsberg, un vétéran mutilé lors de la guerre d'Espagne qui gratte son
bras manquant, une infirmière meurtrière dissociée de 75 ans de nouveau
libre dans la nature, un chat pisteur appelé La Boule, un traité des
reliques qui donne la recette de l'immortalité… Bref, tous les éléments sont
réunis pour créer un roman policier digne de ce nom. Seul bémol, le discours
versifié du nouveau venu de la brigade, qui alourdit la lecture. Cependant,
cela n'est qu'un détail quand on est plongé dans les déboires d'Adamsberg et
que l'Ombre de l'assassin plane sur nous. En conclusion, Vargas maîtrise
parfaitement l'art de mener une fausse piste en prenant soin de disséminer
les indices miette par miette pour ne laisser personne sur sa faim. Tous à
vos livres et régalez-vous!
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