24 h chrono… c'est arrangé avec le gars des vues!
Spécialiste de l'imagerie numérique, Marie-Flavie
Auclair-Fortier s'intéresse à des technologies qui pourraient un jour
être utilisées pour les films d'Hollywood |
On devrait toujours éviter de discuter avec une spécialiste en
imagerie numérique après un épisode de la série populaire 24 h chrono.
Quelle déception lorsqu'au détour d'une phrase, Marie-Flavie Auclair-Fortier
révèle les trucs du héros : «Quand Jack Bauer demande une image satellite et
réalise un zoom sur des terroristes en moins de 10 secondes, c'est arrangé
avec le gars des vues! C'est vrai que l'imagerie est un domaine qui évolue
rapidement, mais le cinéma surestime la puissance de nos outils actuels.»
PIERRE MASSE
Marie-Flavie Auclair-Fortier est professeure au Département
d'informatique de la Faculté des sciences. Elle développe des outils de
traitement d'image qui pourraient se retrouver dans l'arsenal d'une cellule
antiterroriste hollywoodienne. «Je suis particulièrement intéressée par
l'utilisation de capteurs panoramiques pour reconstruire virtuellement un
décor en 3D à partir d'objets réels», précise-t-elle. Elle explique que si
une telle application voit le jour, cela pourrait économiser des milliers
d'heures de travail dans un film contenant beaucoup d'effets spéciaux comme
Le Seigneur des anneaux.
Dans ce type de film, la production d'une séquence de combat qui oppose
des personnages réels à des monstres synthétisés dans un décor virtuel peut
durer plusieurs mois. La première étape consiste à produire l'environnement
virtuel en 3D dans lequel est simulée la scène de combat. Lorsque le
réalisateur est satisfait du résultat, il fait construire les éléments de
décor sur fond bleu pour le tournage avec les vrais acteurs. Enfin, il
réintègre ces scènes à l'environnement virtuel en remplaçant
informatiquement le fond bleu par le décor virtuel.
Effets spéciaux 101
Le succès d'un film dépend en partie du réalisme de cette union du réel
au virtuel. Cette dernière étape est la plus fastidieuse, car le procédé de
découpage n'apporte pas d'indices sur la profondeur des objets réels.
Lorsque ces scènes sont intégrées dans le décor virtuel, il faut alors
réaliser de nombreux ajustements pour que le procédé soit invisible : la
lumière, les ombrages, la perspective, les textures… «Actuellement, ce sont
des artistes qui font ce travail presque image par image pour obtenir un
réalisme satisfaisant, ce qui nécessite d'énormes moyens en postproduction»,
ajoute la chercheuse.
Une solution en vue
À l'aide d'un capteur panoramique et des critères d'extraction adéquats,
toute la scène de tournage pourrait être reconstituée virtuellement en 3D de
manière informatisée. «L'avantage par rapport aux capteurs 2D, c'est qu'on
aurait alors l'information sur la profondeur. Toutefois, ce n'est pas un
problème facile et c'est pour cette raison que l'industrie du cinéma est
encore obligée de travailler autrement», concède la spécialiste. Même si ce
travail n'aboutit pas à court terme, Marie-Flavie Auclair-Fortier espère
néanmoins que les techniques développées avec ses capteurs panoramiques 3D
permettront d'offrir rapidement de nouveaux outils aux artistes qui
travaillent en imagerie numérique ou même en arts visuels.
Profession : chercheuse bohème
D'ailleurs, ce rapprochement entre la science et l'art est essentiel pour
la chercheuse issue d'une famille d'artistes : «Mes parents travaillent en
arts visuels, ma sœur est violoniste à Boston et mon frère est
violoncelliste. Pour moi, le pas entre les arts et les sciences est assez
naturel et je suis fascinée par la manière dont les artistes peuvent
détourner les outils contraignants imaginés par des scientifiques pour
réaliser des œuvres extraordinaires.» Inversement, l'écoute des artistes
permet à Marie-Flavie Auclair-Fortier de développer de nouvelles techniques
en imagerie auxquelles un scientifique seul n'aurait pas nécessairement
pensé.
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