Le drapeau à damier pour «les petites autos du docteur Zhao»
Les recherches menées par le professeur Yue Zhao dans l'étude des
nanovéhicules – des molécules microscopiques qui pourraient un jour
améliorer grandement les traitements de chimiothérapie – reçoivent des
éloges de la revue Québec Science. Les travaux du chercheur en chimie
de la Faculté des sciences figurent au tableau d'honneur des 10 découvertes
de l'année 2005 du numéro spécial de février actuellement en kiosque.
Très prudent quant à l'impact que ses recherches pourraient avoir dans
les soins aux cancéreux, Yue Zhao se dit néanmoins honoré de voir ses
recherches expliquées dans la revue de vulgarisation scientifique. «Pour
moi, il est important de faire plus pour communiquer nos recherches à un
large public», indique-t-il. D'ailleurs il n'hésite pas à faire visiter son
laboratoire et déploie une patience infinie pour expliquer simplement ce que
Québec Science présente comme «les petites autos du docteur Zhao».
Des autos roses?
Si vous demandez à voir ses «petites autos», vous risquez d'être surpris
car Yue Zhao vous montrera probablement une éprouvette dans laquelle vous ne
distinguerez rien d'autre qu'un liquide légèrement rosé. D'ailleurs le
chimiste utilise plutôt le terme de nanovéhicules pour décrire ces molécules
invisibles à l'œil nu dont la taille se mesure en dizaines de nanomètres
seulement. Pour s'en faire une idée, imaginez qu'il faut compter un million
de nanomètres pour un millimètre.
Une découverte qui pourrait remplacer la chimiothérapie
Ce n'est pas tant la taille infime de ces nanovéhicules que les
applications potentielles en médecine qui ont probablement incité Québec
Science à choisir cette découverte. En effet, même si le professeur Zhao
se montre très prudent sur la portée de sa découverte, ces nanovéhicules
pourraient bien révolutionner la façon dont les médecins soignent les
cancers en minimisant les effets secondaires de certains traitements de
chimiothérapie. Yue Zhao explique que le procédé mis au point permettrait
d'encapsuler un médicament dans ces nanovéhicules puis de l'acheminer
jusqu'aux zones à traiter, pour enfin le libérer uniquement à l'endroit
voulu et au moment désiré en irradiant la zone par une lumière.
Des véhicules à dimension variable : les micelles polymères
Est-ce de la futurologie? Bien moins qu'on ne pourrait le croire car
cette découverte entre de plain-pied dans le monde de la nanomédecine en
plein essor. L'explication du procédé réside dans les propriétés
particulières de ces porteurs de médicaments constitués de micelles
polymères. On peut comparer un polymère à un train assemblant, les uns à la
suite des autres, des wagons individuels. L'avantage, c'est que la dimension
du véhicule est alors facilement calibrable puisqu'il suffit d'ajouter ou de
retirer des modules. «Cet aspect est très important car les tissus cancéreux
sont plus poreux que les tissus sains. En ajustant la taille des micelles
aux types de tissus, cela permet une livraison plus spécifique du médicament
sur les zones à traiter», précise le chercheur.
Je déteste l'eau
La deuxième caractéristique plus spectaculaire de ces micelles polymères
permet de libérer le médicament encapsulé sur demande, simplement en
l'éclairant. L'étude de cette photosensibilité est justement le domaine de
spécialité de Yue Zhao : «On travaille sur des matériaux photosensibles
depuis 1999 et nous sommes les premiers à obtenir des micelles polymères
stables et photosensibles.» Pour comprendre cette découverte, le professeur
sort un carnet et trace un premier trait représentant un polymère. Une
extrémité du trait est rectiligne tandis que l'autre est ondulée. Ces deux
formes symbolisent chacune l'extrémité hydrophile et l'autre hydrophobe du
polymère. Si le polymère ressentait des émotions, on dirait qu'une extrémité
aime l'eau tandis que l'autre la déteste!
À go, tout le monde à l'eau!
Yue Zhao poursuit son dessin et trace des centaines de ces petits traits,
comme des baigneurs entassés sur une plage de Floride, jusqu'à former une
sorte de boule. C'est cette micelle ainsi constituée qui emprisonne le
médicament. Yue Zhao explique que lorsqu'on éclaire la micelle par des
rayons ultraviolets (UV), les extrémités des polymères qui détestaient l'eau
se mettent alors à l'aimer, ce qui provoque l'ouverture de la micelle et par
conséquent la libération du médicament. De cette manière, si la plage
représente une cellule pathologique sur laquelle on dépose des micelles, il
suffit d'un coup de rayons UV pour libérer le médicament souvent très
toxique pour démarrer le traitement. Les effets secondaires du médicament
seront minimisés puisque les micelles sur les cellules saines non éclairées
resteront fermées et rouleront comme un ballon sur la plage…
La véritable satisfaction…
Jusqu'à présent, ce procédé n'a pas été testé sur des organismes vivants
car la lumière UV ne pénètre pas très profondément dans les tissus. «Avec
des micelles photosensibles aux rayons infrarouges qui pénètrent beaucoup
plus profondément les tissus que les rayons UV, cette limite pourrait bien
être franchie», ajoute le chercheur. D'ailleurs, Yue Zhao collabore déjà
avec le professeur Martin Lepage, du Département de médecine nucléaire et
radiobiologie à la Faculté de médecine et des sciences de la santé, pour des
recherches sur le cancer. Ce travail conjoint pourrait ouvrir de nouvelles
avenues dans la mise au point de traitements alternatifs aux chimiothérapies
classiques.
Plus que sa présence au palmarès de Québec Science, ce sont
peut-être les possibilités futures de sa découverte qui enthousiasment le
professeur Yue Zhao : «Ça fait plaisir car on a cette impression d'avoir
inventé quelque chose. Ça donne vraiment le goût de la recherche.»
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