«Tu sais pas ce que c'est toi -30°C…»
GRÉGORY VERZEAUX
Lundi 16 janvier 2006. Me voilà de retour au Québec pour ma session
d'hiver après trois semaines de pause en France.
Je n'ai pas eu le temps de revoir tout le monde, mais ce n'est pas grave,
finalement les quatre premiers mois sont vite passés, à part pour ma chérie
restée en France. D'ailleurs elle est partie hier pour un an en Australie
après avoir fini ses études. En France, ce n'est pas courant, après ses
études on se met à travailler, mais ici c'est différent. Beaucoup d'amis
québécois qui finissent leurs études partent en voyage pour profiter du
temps libre avant d'entrer dans le monde du travail : la
Colombie-Britannique, grimper l'Aconcagua, faire le tour de l'Europe... Les
Québécois plus voyageurs que les Français? Peut-être, mais je n'en suis pas
convaincu. Enfin c'est vrai que chez nous on a la facilité du temps de
travail. Trente-cinq heures par semaine, cinq semaines de congés payés, cela
peut faciliter le goût du voyage. Mais j'ai la sensation qu'en France on
voyage pour se faire plaisir plus que pour découvrir ou vivre une
expérience...
Je me dis que la neige sera là quand je vais mettre le premier pied sur
le sol québécois! Depuis le temps qu'on me parle de ce fameux hiver! «Tu vas
voir ce que c'est qu'un vrai hiver...» «Tu sais pas ce que c'est toi -30°C…»
Et c'est vrai que je n'ai jamais vécu ces températures plus d'une semaine,
et encore c'est quand je vais à la montagne, en haut des pistes, à 3000 m
d'altitude...
Et là je repense à ma session d'automne où il a fait si beau
Samedi 25 août. J'ai tout laissé derrière moi, travail, appartement... et
me voici sur le sol canadien pour la première fois de ma vie. Je suis arrivé
à Montréal par un temps superbe, comme en France à cette période. Par contre
dès les premières minutes, la différence se fait sentir entre les deux pays,
et je peux confirmer dès mon premier jour ce que tout le monde me
racontait : «Tu verras, les Québécois sont vraiment des gens accueillants.»
Ici pas besoin de demander mon chemin, il suffit que je sorte un plan de ma
poche pour que deux jolies Québécoises me demandent si j'ai besoin d'aide.
Le chauffeur du bus dit merci et bonjour, et puis toutes ces expressions
québécoises «ça fait plaisir» quand on dit merci… Même aux douanes on m'aide
plus que ce que je demande! Alors forcément je suis sous le charme, et ce
n'est que le début...
À mon arrivée à Sherbrooke, c'était la même chose. J'étais un peu perdu
en cherchant le bureau de la registraire pour confirmer mon inscription. Et
je ne sais pas par où je suis passé, mais je me suis retrouvé dans les
bureaux... de l'autre côté du comptoir! Et là, me voyant avec tous mes sacs,
plutôt que de me renvoyer là d'où je viens, on me dit de rester, que
normalement ça ne se passe pas comme ça, mais maintenant que je suis là, on
fait toutes les démarches et on m'indique gentiment comment aller au bureau
des étudiants internationaux.
Tout le reste s'est passé pour le mieux également. Je rencontre mon
propriétaire qui m'emmène dans l'appartement que j'ai loué non meublé.
J'ouvre la porte : un lit, une table et un peu de vaisselle!
Après m'être enfin reposé un peu, le mal du pays en a profité pour faire
son apparition. J'avais laissé mes parents, pas mal d'amis et ma copine en
France, et je savais que je ne les reverrais pas avant quatre mois, mais
l'accueil avait été tellement chaleureux que je me suis senti chez moi à
peine arrivé. Finalement, il était impossible d'être triste ou nostalgique,
ma vie au Québec commençait...
Les jours qui ont suivi, j'ai fait quelques courses, j'ai visité un peu
et puis la rentrée est vite arrivée. Les premiers contacts avec les
enseignants se sont faits comme tout le reste : simples et positifs. Moi qui
a souvent eu des difficultés dans le monde scolaire, je ne me revoyais pas
reprendre les études après cinq ans dans le monde du travail. Je voulais une
expérience à l'étranger et je me suis rendu compte que j'avais fait le bon
choix. Les cours sont beaucoup plus concrets et pratiques au Québec.
Côté sport, je me suis organisé aussi. Bon, il faut dire que j'ai la
chance de faire un sport un peu hors norme par son côté social : je fais de
l'ultimate frisbee depuis de nombreuses années, et justement à Sherbrooke l'ultimate
est en plein développement.
Après quelques courriels, je trouve déjà une équipe pour faire le tournoi
Chez Memphré sur les terrains de l'Université. Et là je suis content de
confirmer que ce sport conserve les mêmes valeurs partout dans le monde,
convivialité, compétition, dépassement de soi et surtout respect de
l'adversaire, qui est davantage considéré comme un «partenaire» de
compétition que comme un «ennemi».
Me voilà comblé, on me propose de jouer dans la ligue intra-muros que je
gagne avec mon équipe, et le tournoi de Trois-Rivières qu'on gagne
également. Je participe au championnat universitaire canadien qui me fait
visiter Toronto avec l'équipe de Sherbrooke, qui se défend plutôt bien pour
une première participation.
Finalement les projets évoluent. J'ai maintenant l'ambition non seulement
de finir ma première année de maîtrise à Sherbrooke comme c'était prévu,
mais également de poursuivre cet été afin de compléter ma 2e année.
Ce qui me permettra aussi de faire les championnats canadiens d'ultimate
avec Sherbrooke, chose rare pour un Français. Il me reste à remplir toutes
les formalités administratives, et je vais pouvoir vivre mon 1er hiver
québécois tranquillement en attendant l'été à Sherbrooke...
L'équipe d'ultimate frisbee. |
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