Liaison, 26 janvier 2006
Plonger au cœur de la cellule pour comprendre le cancer
ÉMILIE BOURQUE-BÉLANGER
Directement ou indirectement, nous sommes ou serons tous touchés par le
cancer au cours de notre vie. En 2005, environ 150 000 nouveaux cas ont
été diagnostiqués, et ce, au Canada seulement. À la Faculté de médecine et
des sciences de la santé, de nombreux chercheurs et chercheuses étudient
le cancer et tentent de comprendre son fonctionnement, afin de mieux le
combattre. Expert en modifications post-traductionnelles et en traduction,
le professeur François Bachand utilise la protéomique et plonge au cœur de
la cellule pour trouver le rôle de certains groupements chimiques dans le
cancer. Il propose un regard nouveau sur la traduction de l'ARN-messager
en protéines dans les cellules cancéreuses, se démarquant au Québec comme
un pionnier dans le domaine.
Les recherches du professeur Bachand se basent sur une approche
protéomique et génomique : il étudie les protéines et les gènes à grande
échelle, dans la cellule. Il se penche plus spécialement sur la traduction
de l'ARN-messager en protéine et sur les modifications
post-traductionnelles, c'est-à-dire les groupements chimiques qui régulent
l'activité des protéines. En fait, il se spécialise dans l'étude d'un
groupement chimique qui joue un rôle dans la régulation de la traduction :
la méthylation protéique.
Si plusieurs études s'entendent pour dire que la méthylation régule
l'expression génique (la transformation de l'ADN en protéine, en passant
par l'ARN-messager), François Bachand croit qu'elle joue un rôle bien
précis dans la traduction (la transformation de l'ARN-messager en
protéine). C'est ce qui fait toute l'originalité de ses recherches. En
effet, la plupart des études antérieures se sont plutôt penchées sur la
transcription, soit la transformation de l'ADN en ARN-messager.
Bien que la méthylation protéique soit connue depuis une trentaine
d'années, les chercheurs n'ont pas encore clairement défini sa fonction
dans la régulation des protéines. Cela dit, ils savent que le phénomène
joue un rôle clé dans la croissance et la différenciation cellulaire ainsi
que dans le développement de l'organisme. Effectivement, les enzymes
responsables de la méthylation, les méthyltransférases, ont été conservées
à travers l'évolution; sans certaines méthyltransférases, un organisme
n'est pas viable.
Pour mener à bien ses expériences, le professeur Bachand travaille sur
la levure. «Non seulement cet organisme est-il très facile à faire
pousser, explique-t-il, mais son matériel génétique se manipule également
très bien.» Mais la plus grande qualité de la levure est certes de
posséder plusieurs des méthyltransférases identifiées chez les humains, ce
qui permet un transfert de données direct de la levure à nous!
Mais alors, quels sont les objectifs de recherche du professeur et quel
lien existe-t-il avec le cancer? François Bachand souhaite d'abord
comprendre le rôle de la méthylation protéique dans la traduction. En
comprenant comment le phénomène régule certaines protéines, il découvrira
peut-être ce qui dérègle la traduction dans les cellules cancéreuses. Il
semblerait effectivement que le cancer soit non seulement causé par des
défauts au niveau de la transcription, mais aussi par une traduction
aberrante. «J'espère simplement que mes découvertes permettront
d'améliorer la santé des gens ou qu'elles donneront tout au moins à
d'autres chercheurs les éléments dont ils avaient besoin pour faire
aboutir leurs recherches», dit-il.
François Bachand est entré à la Faculté à titre de professeur adjoint
en octobre 2005. Depuis son arrivée, il s'occupe surtout de l'organisation
de son tout nouveau laboratoire où il étudiera la méthylation protéique.
«C'est très excitant de mettre sur pied son propre laboratoire, dit-il en
souriant. J'ai la chance incroyable de travailler sur des projets qui me
passionnent, des projets que j'ai moi-même élaborés!» Sa passion pour les
méthyltransférases n'est pas nouvelle; elle remonte au début de ses études
postdoctorales au Dana Farber Cancer Institute, affilié à l'Université
Harvard (Boston).
Les projets du professeur François Bachand ne s'arrêtent pas là… Jeune
chercheur curieux et assoiffé de nouvelles connaissances, il souhaite
étudier chacune des huit méthyltransférases. Gageons que nous entendrons
encore parler de lui dans les années à venir!
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