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La créativité en sciences
Louis Taillefer provoque un débat
CHANTAL GAIGNARD
Collaboration spéciale
Audacieux, le physicien Louis Taillefer! Le 30 septembre, le chercheur
chevronné a déclenché toute une discussion lors d'une conférence qu'il
prononçait dans le cadre des célébrations du cinquantenaire de l'Université.
Sur la créativité en science traitait des compétences humaines qui entrent
en jeu lors de la réalisation de grandes découvertes scientifiques.
Louis Taillefer soutient ni plus ni moins que les mathématiques, la
lecture et l'écriture ne devraient pas être enseignées aux enfants avant
l'âge de sept ans. La télévision, quant à elle, ne devrait pas faire partie
de l'univers familial avant l'âge de neuf ans. «Elle fait des ravages sur
les enfants!», déplore le physicien père de deux enfants. L'auditoire, à la
fois fort étonné et magnétisé par ses propos, a eu peine à attendre la fin
de la présentation pour le bombarder de questions.
«Qu'est-ce qui fait qu'une personne découvre un phénomène ou conçoit une
invention?», demande Taillefer pour entamer la discussion. Pour répondre à
la question, le chercheur s'est penché sur les différents facteurs de
créativité dont font preuve les personnages à l'origine des découvertes
scientifiques. «Mon préféré, c'est la chance!» Aux yeux du spécialiste de la
supraconductivité, quatre facultés humaines interviennent dans le processus
d'une découverte : l'ouverture d'esprit, le sens de l'observation,
l'intuition et l'imagination.
Le professeur a fourni une quinzaine d'exemples, puisés dans l'histoire
des sciences, pour illustrer son raisonnement. Einstein, par une imagination
sans borne, est parvenu à émettre la théorie de la relativité générale.
«C'est un énoncé capital et très significatif sur la nature même de
l'univers», souligne Taillefer. Il salue également l'oeuvre de Copernic qui,
en démontrant que la Terre tourne autour du Soleil et non l'inverse, a fait
preuve d'une grande ouverture d'esprit en allant à l'encontre de la croyance
populaire. Il en va de même pour le géophysicien Jerry Mitrovica, de
l'Université de Toronto. En 2001, celui-ci a démontré que la fonte des
glaces entraînée par le réchauffement de la planète n'entraînerait pas,
contrairement à ce qui était admis jusque-là, une montée uniforme du niveau
de la mer.
La réflexion du chercheur a ensuite fait place aux convictions du citoyen
et du père. Comment, à son tour, l'enfant développe-t-il ses facultés
créatrices? Conformément à la logique de Louis Taillefer, ces facultés
reposent d'abord sur l'équilibre entre le corps, la pensée et les sentiments
de l'enfant. La créativité est aussi une question de rythme. Critiquant
l'approche actuelle des écoles, assujetties à de multiples échéanciers, le
chercheur soutient qu'il ne faut pas précipiter les apprentissages ni
imposer un rythme. Mais attention! Pas question, pour Louis Taillefer, de
priver les enfants qui en expriment le désir d'apprendre à lire! Le
physicien croit toutefois qu'il faut cesser d'insister pour que les jeunes
apprennent à un âge de plus en plus précoce et rappelle l'importance de
stimuler l'imaginaire de l'enfant par des contes et des histoires. «Il faut
lui laisser la chance de vivre des expériences directes, lui donner la
liberté d'explorer lui-même la science qui se cache dans son quotidien.»
En somme, Taillefer s'inquiète de l'éducation des petits. «L'école est
peut-être devenue trop abstraite», déclare-t-il. Selon lui, l'enfant de cinq
ou six ans a besoin de puiser sa force créatrice dans la nature et de
s'exprimer par les arts. «Et en ce sens, la télé est trop envahissante.»
D'après lui, les heures passées devant le téléviseur devraient plutôt être
consacrées au développement de la fantaisie. Sur sa lancée, il s'interroge
sur le rôle de l'école : «Pourquoi tant de décrochage? Pourquoi l'école
n'est-elle pas fascinante? Peut-être parce qu'on ne nourrit plus assez la
créativité l'enfant.»
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