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Liaison région, 9 décembre  2004

Une journée en compagnie de géopoètes

8 h 15, samedi matin, je file sur la route 220. À l'invitation d'Hélène Guy, professeure de littérature à la Faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke, je chemine vers le centre de villégiature Jouvence où, le temps d'un week-end, se sont donné rendez-vous les membres de l'Atelier québécois de géopoétique dont elle fait partie. Aux abords du lac Stukely, dans un refuge baptisé le Hors-piste, des artistes, des géographes, des littéraires, des scientifiques, universitaires et non universitaires, réfléchissent sur les rapports que l'humain entretient avec la terre, sur les plans sensible, intellectuel et expressif. Pour m'y rendre, je dois emprunter un sentier qui longe le lac. Les arbres sont magnifiques, gigantesques. L'air est frais. Le soleil prend ses aises. La journée sera belle.

CHARLES VINCENT

Sur place, je découvre une vingtaine de personnes fort sympathiques. Arrivées la veille, elles viennent à peine de se lever. L'heure est au déjeuner. Entre le café, les toasts et les œufs, on discute tranquillement des ateliers de la journée. Le menu capte mon intérêt. D'abord, une causerie animée par le médecin et écrivain Jean Désy. Le point de départ est son ouvrage Du fond de ma cabane. Éloge de la forêt et du sacré (XYZ), mais il est convenu que la discussion porte sur l'approche géopoétique du refuge. En après-midi, une expédition en nature est prévue, suivie d'une présentation sur l'expédition cinématographique du trimaran Rackam et, en soirée, de l'élaboration d'une sculpture de feu sur le lac et de prestations d'une conteuse et d'un musicien.

Autour du campe

Après un tour de table, il est décidé que la causerie avec Jean Désy aura lieu dehors, près du lac. Le fond de l'air est frisquet, mais le soleil et le feu nous réchauffent peu à peu. L'auteur raconte ses expériences comme «médecin de brousse» sur la Côte-Nord, son contact avec ce coin de pays, ses rapports avec les Nord-Côtiers, Blancs et Amérindiens. Mais l'essentiel de son propos porte sur les «cabanes de nomades», ces constructions rudimentaires indispensables à la vie dans les régions reculées du Québec. C'est là où, en pleine tempête, les voyageurs mal pris se réfugient. C'est dans ces cabanes dont les portes ne sont jamais verrouillées qu'ils trouvent de quoi se faire du feu, dormir à l'abri et, s'ils sont chanceux, une canne de soupe ou de binnes.

«Le campe du nomade appartient à celui qui l'a édifié et appartient en même temps à tout visiteur qui passe et qui en a besoin», écrit Jean Désy dans son livre. Autrement dit, «il doit être ouvert, solide, étanche et accessible», comme il le précisera dans sa présentation. Ces constructions renvoient à l'univers du nomadisme, davantage répandu dans le Grand Nord que dans la vallée du Saint-Laurent. Elles renvoient également à un mode d'appropriation du territoire bien différent de celui que l'on connaît dans la plupart des sociétés occidentales. «Un genre de socialisme du bois», résumera Jean Déry dont la présentation débouchera finalement sur les vertus de la simplicité volontaire comme moyen d'entrer respectueusement en rapport avec la terre.

Sur la trace des fous de Bassan

Après le dîner, le sculpteur André Fournelle, assisté de Diane Caron et de ses comparses, s'attellent à la réalisation de la sculpture de feu, qui aura lieu une fois la nuit tombée, tandis qu'une équipée se prépare à traverser le lac en canot. Je me joins au second groupe. Une fois rendus sur l'autre rive, nous empruntons un sentier qui nous mènera au refuge de la Sarracénie et à l'étang de la Castorie, au pied du mont Chauve. Sur le chemin, les conversations se nouent et se dénouent au gré de nos pas. Il est question de géopoétique, bien sûr, mais aussi de projets d'écriture et de recherche. La plupart des membres du groupe se connaissent depuis longtemps et n'en sont pas à leur première aventure de ce type. Nombreux sont également ceux qui fréquentent la forêt sur une base régulière. Des pistes attirent notre attention. Chevreuil ou orignal? La question restera en suspens.

De retour au refuge, on se prépare pour la deuxième discussion. Elle porte sur l'expédition réalisée l'été dernier sur le Saint-Laurent par des étudiantes et étudiants de l'Université de Sherbrooke. Le projet s'appelait l'Odyssée de Rackam. Je vous en ai plusieurs fois parlé dans Liaison (vol. XXXVIII, no 17, notamment). Les cinq étudiants devaient construire leur voilier et relier Québec aux îles de Mingan en un peu moins d'un mois, tout en réalisant un court-métrage de fiction sur leur expédition. La «défection» d'une partie de l'équipage a forcé les deux étudiants qui sont restés à modifier l'itinéraire. Mathieu Chagnon, le capitaine du Rackam, nous parle de son expérience, des conclusions qu'il a tirées de cette aventure et de sa nouvelle façon de voir son rapport à la terre, à la vie.

La soirée s'ouvre avec la sculpture d'André Fournelle. Sur l'eau, la «ligne de feu» installée pendant l'après-midi. Avant qu'elle ne s'embrase, nous nous rassemblons, en canot, autour de chacune des trois bornes qui forment l'«alignement», pour entendre la lecture d'un texte. Chacune de ces bornes symbolise l'un des trois pays où se déroulent chaque année la nidification des fous de Bassan, soit l'Écosse, la Bretagne et le Québec. La ligne rappelle aussi l'univers de la géopoétique. L'Écosse est le pays natal du fondateur de la géopoétique, Kenneth White, la Bretagne, l'endroit où a eu lieu le dernier colloque auquel a participé le groupe québécois et, finalement, le Québec, la terre d'accueil du seul groupe de géopoétique en Amérique du Nord.

Plus tard, on se rassemble au coin du feu pour entendre Petronella Van Dijk. Conteuse de profession, elle nous propose un vieux conte breton, intitulé La vieille femme et le loup. Le groupe en redemande. On a droit cette fois à un conte chinois. Aurian Haller, un auteur-compositeur-interpète d'origine britanno-colombienne, prend le relais. Seul avec sa guitare, il nous offre quelques-unes de ses chansons. L'auditoire est conquis. La journée s'achève. À tout le moins pour moi. Je salue mes hôtes. Les remercie pour l'accueil chaleureux dont ils ont fait preuve. La nuit est noire. Complètement noire. Il pleut. Ce qui tombe sur ma tête est plus près du frasil que de la pluie. La forêt est superbe. Le sentier est magique.

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Le groupe de géopoétique québécois, baptisé La Traversée – Atelier québécois de géopoétique, est dirigé par les professeurs Rachel Bouvet (UQAM), Hélène Guy (Université de Sherbrooke) et Éric Waddell (Université Laval). Il bénéficie d'une subvention Conseil de recherches en sciences humaines, volet Initiative de développement de la recherche. Pour plus d'information, contacter Hélène Guy
(Helene.Guy@USherbrooke.ca).

 

 


André Carpentier, écrivain et professeur de littérature à l'UQAM, et Diane Caron, artiste multidisciplinaire et enseignante à l'école Saint-Patrice (Magog), lors de la causerie consacrée à l'approche géopoétique du refuge.

Photos : Charles Vincent

 

 

 

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