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Liaison région, 9 décembre 2004
En équilibre entre la famille et la recherche
Pour Nicole Gallo-Payet, la famille est une valeur suprême. Les moments
passés en compagnie de son mari et de ses deux enfants ont toujours été des
moments bénis, des instants que jamais elle n'aurait sacrifiés pour tout
l'or du monde. Cette priorité ne l'a jamais empêchée de s'adonner à une
autre de ses passions, toute dévorante celle-là, celle de la recherche.
Nicole Gallo-Payet est une spécialiste de la glande surrénale. Titulaire
d'une chaire de recherche du Canada, elle est depuis janvier 2004
vice-doyenne à la recherche à la Faculté de médecine de l'Université de
Sherbrooke. La recherche, on comprendra, elle a ça dans le sang, et c'est
une histoire de famille.
Le parcours de Nicole Gallo-Payet semble avoir été réglé au quart de
tour. Un premier enfant né lors de la maîtrise, un second pendant la
rédaction de la thèse. Un stage postdoctoral en partie à l'Université McGill,
une embauche comme professeure à la Faculté de médecine de l'Université de
Sherbrooke, en 1983, et l'obtention répétée de subventions de recherche au
cours des 20 dernières années. Puis, l'an dernier, la «consécration» :
l'obtention d'une chaire de recherche du Canada. En parallèle, elle a fait
partie de plusieurs comités de pairs, travaillant ainsi pour la communauté
scientifique qu'elle représente. C'est d'ailleurs dans cette optique de
valorisation de la recherche qu'elle a accepté, en janvier 2004, d'assumer
les fonctions de vice-doyenne à la recherche, faisant d'elle la première
femme à occuper ce poste dans l'histoire de la Faculté de médecine.
Il y a bien eu, à quelques reprises, du sable dans l'engrenage,
avoue-t-elle, mais chaque fois la chercheuse a su trouver des solutions. Le
premier écueil d'importance fut le stage postdoctoral. Alors que son mari
venait d'être embauché par l'Université de Sherbrooke, elle voyait mal
comment elle pourrait concilier la vie familiale dans les Cantons de l'Est
et un stage à l'étranger, cet «incontournable» du chercheur de haut calibre.
«J'aurais pu devenir assistante professionnelle dans un laboratoire, mais
avec une grande insatisfaction vis-à-vis des projets scientifiques que je
voulais développer.»
Mais Nicole Gallo-Payet a plutôt trouvé un compromis. Au lieu de s'exiler
à l'étranger, elle s'est inscrite à un stage postdoctoral conjoint entre
l'Université de Sherbrooke et l'Université McGill. Pendant un an, elle a
fait l'aller-retour Montréal-Sherbrooke, passant la semaine dans la
métropole et les fins de semaine à la maison, en famille. «Du temps où les
enfants étaient encore à la maison [son fils et sa fille sont maintenant
dans la vingtaine], je n'ai jamais travaillé les samedis et dimanches,
précise-t-elle. C'était sacré!» Elle travaillait bien le soir, mais
seulement après avoir couché les enfants. «Je dors très peu, c'est un net
avantage», renchérit-elle. Elle pouvait donc, le soir et le matin tôt,
abattre du boulot à la maison, dans ce qu'elle appelle la «continuité du
bureau».
Selon elle, sa réussite dans le domaine de la recherche s'explique
d'abord et avant tout par sa détermination et par le support inconditionnel
de son mari : «La richesse des discussions scientifiques, les encouragements
constants, le partage des tâches familiales et surtout le plaisir que
procure les enfants ont été et sont toujours la potion magique qui alimente
mes actions.» Il faut dire que Nicole Gallo-Payet avait elle-même donné le
ton quand, en 1973, elle a quitté la France et sa ville natale qu'elle aime
tant, La Rochelle, pour suivre l'élu de son cœur qui venait au Québec
poursuivre ses études en électrophysiologie à l'Université de Montréal. «Le
cœur a ses raisons que la raison ne connaît point», répond Nicole
Gallo-Payet, reprenant pour son compte l'une des Pensées de Pascal.
On comprend mieux la question de sacrifice quand on regarde de près la
vie de chercheur. «Il faut comprendre la vie que l'on mène, indique Nicole
Gallo-Payet. Entre le travail en laboratoire, la rédaction d'articles, les
demandes de subventions, l'enseignement et les tâches administratives, il
reste peu de temps. Par ailleurs, il n'y a pas vraiment d'horaire pour les
expériences. Le fait que nous ayons travaillé et que nous travaillions
encore au même endroit, mon mari et moi, qui plus est dans des domaines
complémentaires, a grandement facilité les choses. En fin de journée, on
s'appelle, on planifie le retour et l'on rentre quand on est prêt.»
Selon la chercheuse, ou en tout cas pour elle, une des plus grandes
différences entre les années quatre-vingt et deux mille dans la carrière des
chercheuses a été la capacité à se faire reconnaître par les collègues
masculins. C'est en tout cas son expérience : «Être la première femme à
faire partie d'un comité de pairs CRM, et défendre ses opinions auprès de
12 collègues aux fortes personnalités n'est pas toujours tâche facile.» Il
faut croire qu'elle y est parvenue puisqu'elle a par la suite pris les
rennes du même comité. Maintenant, bien que la proportion de femmes soit
toujours faible en recherche et dans les comités (autour de 8 %), il lui
semble que ces barrières sont abolies. La composition de la nouvelle
direction de la Faculté de médecine reflète bien cette situation, puisque
trois des sept vice-doyens sont des vice-doyennes.
La vie n'a cependant pas toujours été aussi simple. La chercheuse se
souvient des moments parfois difficiles, comme celui de savoir son bébé à la
garderie alors que les expériences au laboratoire ne marchent pas : une
frustration doublée de culpabilité! Elle se rappelle aussi lorsque, quelques
années plus tard, ses enfants finissaient leurs journées à jouer dans les
corridors de la Faculté de médecine, après la fermeture de la garderie,
attendant papa et maman pour rentrer à la maison. Une scène à laquelle
d'ailleurs Nicole Gallo-Payet assiste de nouveau, avec un jeune collègue de
son département, comme quoi les choses n'ont pas vraiment changé pour les
chercheurs.
Regrette-t-elle ses choix? Pas du tout. Elle a choisi d'écouter son cœur,
de vivre ses passions. «J'ai donné une bonne partie de ma vie à la
recherche, indique-t-elle. Mais je ne m'y suis jamais perdue. J'ai réussi à
garder un bon équilibre, je crois, entre la vie de famille et le travail.»
Encore aujourd'hui, quand sa fille, qui vit actuellement en Suisse, lui
annonce qu'elle vient passer quelque temps au Québec, elle suspend tout… ou
presque.
C. V.
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Nicole Gallo-Payet est devenue cette année la première vice-doyenne
à la recherche de l'histoire de la Faculté de médecine de
l'Université de Sherbrooke.
Photo STIC : Robert Dumont |