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Liaison, 19 février 2004
Encore fatigué!
Psychologue invitée :
MÉlanie Thibault
La fatigue est souvent dérangeante. Elle nous empêche de faire toutes les
activités qu’on voudrait, elle semble nous freiner dans nos élans de
productivité, elle nous fait sentir nos limites, et pour certains, dormir
est même une perte de temps. Il faut dire que de nos jours, le temps, c’est
de l’argent! Pourtant, la fatigue est une réalité dont personne ne peut se
débarrasser car quiconque pousse ses limites à l’extrême doit un jour
récupérer son énergie. Pour vous réconcilier avec la fatigue, je pourrais
vous dire que c’est une chance que vous la ressentiez puisque sans ce
signal, vous pousseriez votre organisme à bout et cela nuirait
considérablement à votre santé. La fatigue est donc votre alliée. Mais quand
elle devient excessive, il est temps de se questionner sur ses causes afin
d’agir et d’éviter l’épuisement.
Même si on a tendance à associer la fatigue à la dépense physique
d’énergie, les expériences d’ordre psychologique ou relationnel sont tout
aussi fatigantes. Il faut donc explorer aussi de ce côté lorsqu’on cherche à
identifier la cause d’une grande fatigue. Vous pourriez vous demander alors
si certaines préoccupations ou émotions vous assaillent. Est-ce que quelque
chose dans votre travail ou dans votre couple vous préoccupe? Avez-vous des
problèmes que vous avez de la difficulté à gérer et auxquels vous pensez
constamment? Avez-vous vécu une grande tristesse ou des émotions difficiles
dernièrement? Vivez-vous des frustrations face à un collègue dont les
attitudes vous fâchent? Toutes ces situations on en commun le thème de la
dépense d’énergie mentale et émotive qui provoque la fatigue.
Même si plusieurs d’entre nous savent reconnaître qu’ils sont fatigués,
on remarque que peu savent s’arrêter pour se reposer. S’arrêter, ça peut
faire peur ou devenir inconfortable pour certains : «Qu’est-ce que mon
patron va penser si je m’absente du travail dans une période où il y a
beaucoup à faire?», «J’ai l’impression d’être inutile et paresseux lorsque
je ne fais rien de productif». D’autres personnes vont s’étourdir en faisant
une foule d’activités pour ne pas ressentir un malaise qui traîne depuis
longtemps : «Je n’aime pas m’arrêter car quand je le fais, je me sens triste
et seule», «Pendant que je m’occupe, au moins, je ne pense pas au décès de
ma mère qui me fait si mal». Bref, s’arrêter implique d’être plus présent à
son vécu intérieur et donc à certaines parties de son expérience qui peuvent
parfois être difficiles à tolérer. L’évitement de ce contact est une
solution temporaire, mais qui ne peut pas régler véritablement la difficulté
à laquelle on tente d’échapper. Tout ce qu’on met de côté prend de l’ampleur
et ne peut disparaître sans être abordé. De plus, à force de s’activer sans
arrêt, on s’épuise. Plusieurs pourront en témoigner : «J’ai tenté d’ignorer
mes problèmes en travaillant sans arrêt, mais un jour, mon corps m’a lâché.»
Pour se reposer, il faut s’arrêter : arrêter de courir, de s’occuper, de
faire une foule de tâches et de commissions. Même si s’arrêter est parfois
inconfortable, c’est essentiel pour reprendre contact avec soi et récupérer
de l’énergie. L’arrêt ne doit pas obligatoirement être long : prendre 30
minutes par jour pour se retrouver seul est souvent suffisant. Cette pause
nous donne l’occasion de changer le rythme dans notre journée. Au début, on
peut avoir l’impression que c’est une perte de temps, on peut se mettre à
penser à toutes sortes de choses et ne pas être vraiment présent à soi. Il
peut y avoir un certain inconfort dû à la nouveauté de cette expérience.
C’est précisément lorsqu’on tolère cet inconfort quelque temps qu’on
apprivoise ce processus de prise de contact avec soi. C’est l’occasion de
prendre des nouvelles de soi, de se demander comment ça va, comment on se
sent. On développe doucement l’habileté à être présent à ce qui nous habite,
tant au niveau émotif que mental. Je découvre par exemple que depuis
quelques jours, toutes mes pensées vont vers mon travail et que je ne suis
pas présent pour ma famille. Je peux aussi réaliser que je porte les
problèmes des autres comme si c’était les miens. Durant cette pause, on
identifie des informations importantes sur nous. C’est aussi l’occasion, une
fois que certaines difficultés sont identifiées, de chercher des pistes de
solution : «Comment pourrais-je décrocher du travail car il me vide de mon
énergie et m’éloigne de mes proches?», «Je suis épuisée ces temps-ci car
j’en fais trop pour les autres. Je pourrais en prendre moins sur mes épaules
et avoir confiance qu’ils peuvent se débrouiller sans moi. Ouf, il me semble
que ça me soulagerait!».
Cette période d’arrêt est donc très riche en prises de conscience et en
pistes de solutions. Certains peuvent utiliser l’écriture pour noter leur
vécu durant ces moments privilégiés. Ces périodes peuvent aussi servir à
faire le vide, ne rien penser, juste être là à relaxer et à respirer, ce qui
aide à diminuer le stress et la fatigue. Il est certain que si vous êtes
triste, ce temps d’arrêt vous fera probablement ressentir cette tristesse.
Ce n’est pas mauvais, il faut entrer dans cette expérience pour pouvoir en
sortir. L’éviter ne fait que la repousser à plus tard et la faire grandir.
Alors vaut mieux la liquider lorsqu’on la détecte, surtout que refouler des
émotions gruge beaucoup d’énergie. Finalement, cet arrêt est une très belle
occasion de se ressourcer et de se centrer, ce qui nous aide, avec le temps,
à être plus en équilibre à l’intérieur de soi et dans notre vie. On y gagne
donc beaucoup!
En collaboration avec Le Service de psychologie et
d’orientation
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