La passion de l'éducation
ÉMILIE BÉLAND
Journaliste étudiante
Burundais d'origine, Jean Gabin Ntebutse est arrivé au Québec en
août 2001 afin de poursuivre ses études de maîtrise à l'Université de
Sherbrooke en éducation spécialisée. Ses recherches lui ont permis de
retourner dans son pays d'origine pour tenter de comprendre un phénomène qui
l'intriguait : la réussite scolaire des enfants en contexte de guerre, comme
au Burundi où une guerre civile ravage le pays depuis 1993. Gagnant du prix
de la troisième meilleure affiche à la Journée de la recherche qui a eu lieu
en novembre, Jean Gabin Ntebutse fait bénéficier l'Université de son désir
d'avancement des connaissances et de son ouverture sur le monde.
Un sujet d'étude peu commun
En arrivant à Sherbrooke, le jeune chercheur n'avait pas d'idée précise
du sujet dont il allait traiter dans le cadre de sa maîtrise, mais une
question l'intriguait depuis longtemps : «Au Burundi, j'avais observé des
enfants qui avaient souvent perdu leurs parents et qui vivaient dans des
conditions misérables, parfois dans des camps de déplacés. Pourtant, ces
enfants pouvaient arriver premiers de classe alors qu'ils étudiaient avec
d'autres élèves qui ne vivaient pas dans les mêmes conditions qu'eux. Ça m'a
intrigué, je me demandais quelle force faisait qu'ils réussissaient, mais je
ne pouvais pas nommer le phénomène.»
C'est en discutant avec son directeur de recherche, Marcel Trudel, que
les choses se sont éclaircies pour Jean Gabin Ntebtuse : «Mon directeur m'a
nommé le phénomène de résilience, c'est-à-dire l'adaptation fonctionnelle en
dépit de circonstances menaçantes. Dans un contexte de guerre, les gens sont
dans un état de stress permanent et ils ne peuvent pas satisfaire leurs
besoins fondamentaux. Certains enfants viennent à l'école avec deux ou trois
cahiers seulement alors que d'autres peuvent se procurer des cahiers pour
toutes les matières.»
Comment les enfants font-ils pour réussir dans un tel contexte? Pour
répondre à cette question, le chercheur s'est fixé une série d'objectifs. Il
voulait entre autres savoir comment les enfants perçoivent le contexte de la
guerre. Il s'est rendu compte que dans l'esprit des plus jeunes, la guerre
est à l'origine de tous les malheurs. Jean Gabin Ntebutse s'est aussi
interrogé sur les stratégies d'adaptation des élèves : «Je me suis rendu
compte que l'école est perçue comme un facteur protecteur. Les enfants se
disent : «En allant à l'école, ça me permet de ne pas être dans la rue. Je
peux jouer et discuter des problèmes que je vis.» Bien d'autres stratégies
ont aussi été identifiées par le chercheur, comme le chant et la prière.
Les enfants de la guerre décrits par Jean Gabin Ntebutse sont vraiment
des exemples de courage et de détermination : «Certains, qui vivent souvent
dans des camps de déplacés, marchent 16 km par jour pour aller à l'école.
Ils n'ont pas d'électricité chez eux, alors ils doivent se lever très tôt
pour étudier à la lumière du jour puisqu'ils ne peuvent pas réviser leurs
leçons le soir, quand il fait noir. Ces enfants trouvent un important
support à l'intérieur des camps, où ils sont vus comme une relève qui va
permettre au groupe de se sortir de la misère grâce à l'éducation.»
Cette importance accordée à l'éducation est partagée par le chercheur
burundais. Selon lui, c'est en permettant aux jeunes générations de
s'éduquer qu'on arrivera à bâtir un monde meilleur : «Si je pouvais donner
de l'aide au niveau international, j'investirais en éducation, car c'est de
cette façon que les nouvelles générations pourront être sensibilisées au
respect de la personne humaine et à l'apprentissage de valeurs universelles,
ce qui conduirait à la démocratie.»
Maintenant étudiant au doctorat, Jean Gabin Ntebutse désire se concentrer
sur une toute autre problématique : la culture professionnelle des
professeurs d'université. Le jeune chercheur, qui fait partie du Centre
d'études et de recherche en enseignement supérieur, est très heureux de
poursuivre ses études à Sherbrooke : «J'aime beaucoup l'environnement
institutionnel et je sens ici une volonté de promouvoir la recherche, autant
par les professeurs que par la direction de l'Université.»
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