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Liaison, 30 octobre 2003
Dans les "amphis" de la sorbonne
Collaboration spéciale :
Stéphanie Raymond,
étudiante en communication, rédaction et multimédia
Plusieurs étudiantes et étudiants de l'Université (dépendamment de
leur programme d'études) ont l'opportunité d'étudier pendant une ou deux
sessions dans une université ailleurs dans le monde. J'ai décidé de
profiter d'une expérience qui peut-être ne se représentera jamais, celle
d'étudier à la Sorbonne pour une session, et ainsi de me fondre dans la
culture française, l'espace de cinq mois. Mon projet a été rendu possible
grâce au Service des études à l'étranger de l'Université de Sherbrooke, à
la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ)
et à l'Office franco-québécois de la jeunesse (OFQJ).
Je comprends maintenant pourquoi les Parisiens ont souvent l'air
exaspérés. Pourquoi ils semblent parfois aigris par le temps. Après une
semaine à Paris, j'avais moi-même déjà les nerfs à fleur de peau et je ne
souriais plus à tous et chacun comme j'ai l'habitude de le faire au
Québec. Qui est le grand coupable? Le temps gris? Les foules anonymes qui
se pressent sur les trottoirs et courent à leur destinée sans se soucier
des gens qu'ils bousculent sur leur passage? Non. Le grand responsable,
c'est l'administration française.
La Maison des fous dans Les 12 travaux d'Astérix, vous connaissez? Rien
d'exagéré. Il m'aura fallu rencontrer 20 personnes, revenir 20 fois avec
chaque fois des papiers manquants et changer 10 fois d'endroit pour
choisir quatre cours. Et après trois semaines, je ne suis pas encore
officiellement inscrite. Pour ce qui est de ma carte étudiante, elle
relève toujours du rêve.
Bon, c'est ici que j'arrête de me plaindre. Car tout le reste de mon
expérience ne présente que du positif, ou presque, et je ne regrette pas
une seconde de m'être embarquée dans une aventure qui m'a fait souvent
râler depuis mon arrivée au début d'octobre, mais encore plus souvent
m'exclamer.
Les cours auxquels j'assiste finalement, après deux semaines de
tergiversations, sont plutôt intéressants. Deux cours de langue (espagnol
et portugais), qui sont pour moi aussi savoureux que le croissant chaud du
matin que j'attrape dans l'une des nombreuses boulangeries qui parsèment
mon chemin jusqu'à la Sorbonne. De petites classes, une bonne interaction
entre profs et étudiants et des enseignants qui prennent le temps
d'expliquer. Comme au Québec, quoi!
Les cours de Linguistique et de Rhétorique et stylistique, qui font
partie du programme de Lettres Modernes, c'est autre chose. Autrement
ardus. Du condensé ultra épais. Pas le temps de se tourner vers son voisin
pour lui demander un mouchoir, car on risque de rater une ou deux notions
importantes. D'où un silence religieux parmi les étudiantes et étudiants.
De grosses classes – 200 personnes qui se pressent dans des auditoriums
sans pupitres – et des profs qui parlent et parlent sans arrêt pendant
deux heures, pendant que les étudiants noircissent les tonnes de papier
qu'ils tiennent sur leurs genoux. Et moi au milieu, qui essaie de
comprendre tel ou tel mot du jargon linguistique français, à côté
d'étudiants qui cumulent déjà deux ans de Lettres Modernes…
J'ai l'air de me plaindre encore. Mais ce n'est pas le cas. En fait,
j'apprécie beaucoup le défi intellectuel que tout cela représente. Je suis
des cours de lettres, et j'ai l'impression d'être dans un cours de math!
Et ça fait drôlement de bien à mes neurones. Je ne me demande désormais
plus pourquoi les Français ont bien souvent une culture générale plus
étendue que les Québécois. (Au risque d'en blesser quelques-uns.) Et je
remets en question l'habitude que nous avons, nous Québécois, de nous
plaindre aussitôt qu'un cours présente un niveau minimal de complexité.
Pour ma part, je n'aurai même plus la pensée de lever le doigt lorsque le
professeur annoncera qu'il y aura 15 livres à lire pour un cours, ou qu'il
ira un peu vite dans ses explications.
Et puis, il y a le décor. De vieux amphithéâtres, qui, bien
que n'offrant aucune commodité, laissent le loisir d'inspecter une
peinture du XIXe siècle de 10 mètres de long au-dessus de la tête du prof,
ou de jeter un coup d'œil sur la cour intérieure de l'Université, qui
pourrait être celle d'un château. Il y a aussi les planchers de bois qui
craquent et la Place de la Sorbonne, un petit square charmant où les
étudiantes et étudiants se rassemblent pour casser la croûte dans l'un des
restos ou sur le bord de la fontaine, ou encore pour discuter de la
Rhétorique d'Aristote. (Eh oui! je dois lire ce livre, et bien d'autres
encore!)
Et il y a les étudiantes et étudiants. Des jeunes de partout dans le
monde. Les noms français y sont d'ailleurs en minorité, et les différents
accents innombrables. Pour vous dire, je ne me sens même pas un peu mal à
l'aise de parler avec un accent québécois à la Sorbonne. De toute façon,
c'est toujours un plus pour moi qu'on sache que je suis une petite cousine
d'outre-mer. C'est suffisant pour que les gens deviennent tout à coup
aimables et se mettent à parler de leur ami qui reste à Montréal. Et aussi
pour se faire inviter en Allemagne pour le Jour de l'An.
Étudier à la Sorbonne, c'est donc étudier en accéléré. Pas seulement
sur les bancs d'école, mais dans la cour, dans les corridors et dans le
grand Paris, dont on n'a jamais fini de connaître les détours…
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