Liaison, le journal de l'Université de Sherbrooke, 20 mars 2003

 

¡La visita al campo!

Journal de voyage
Écologie sans frontières en Argentine

Depuis janvier, huit étudiantes et étudiants en biologie séjournent en Argentine dans le cadre d’un stage parrainé par l’Association Écologie sans frontières. Il s’agit de Frédéric Branch, Catherine Couturier-Desrosiers, Lila Gagnon-Brambilla, Camille Rivard-Sirois, Joëlle Dugay, Marie-Pierre Maurice, Annie Lebel et Eric Bazin. Leur mission : participer à la réalisation d’études visant la préservation et la saine utilisation de l’écosystème de la province d’Entre Rios. Liaison publie des extraits de leur journal de voyage. Au fil des semaines, ils nous racontent leur quotidien, leurs impressions et nous font part de l’évolution du projet.

MARIE-PIERRE MAURICE ET CAMILLE RIVARD-SIROIS
Collaboration spéciale

Quatre jours dans la campagne argentine. Quatre jours dans des conditions rustiques. Une occasion pour nous de partager le quotidien d’un petit producteur agricole et de sa famille. Une occasion de participer à la cuisine et aux travaux des champs. D’examiner de près leur situation et celle du milieu écologique dont ils tirent leur subsistance. Mais surtout, une occasion en or pour discuter avec des gens extraordinaires.

"Nous, les habitants du campo, on se sent oubliés du monde, nous a déclaré Rufina Pierotti à notre départ de la campagne. Mais voilà qu’aujourd’hui le Canada nous rend visite. Voilà qu’on réalise que le reste de la planète pense à nous, s’intéresse à notre vie." Eh oui! Des Québécois en chair et en os leur ont rendu visite afin de connaître, de comprendre et de vivre leur réalité écologique et sociale. Ces gens du Nord qui ont bravé jusqu’à leur petite maison, ce chemin tellement rudimentaire qu’il est impossible d’y circuler lorsqu’il pleut, les ont bien impressionnés. Des Québécois qui, en même temps, ont eu le privilège d’en apprendre tant sur la vie de ces petits producteurs durant ces quatre jours passés à la campagne. On revoit encore leurs yeux stupéfaits et leurs sourires émerveillés lorsqu’ils ont réalisé notre intérêt à visiter leurs terres ou nos difficultés à traire une vache pourtant docile.

Les petits producteurs

Quatre jours plus tôt, on arrivait dans "nos" familles avec certaines craintes. La plus grande était de ne pas comprendre la langue, puisqu’on se retrouvait seul ou à deux Québécois par famille avec notre espagnol parfois élémentaire. On s’est vite rendu compte que notre intégration était facile tant l’hospitalité de nos hôtes était grande, de même que notre capacité à mimer les mots inconnus. De plus, les gens ont une grande quantité de tâches à effectuer et l’aide est toujours la bienvenue. La journée typique d’un agriculteur argentin n’est pas de tout repos, surtout si c’est un petit producteur. Il pratique l’agriculture et l’élevage sur de modestes territoires. Il possède habituellement quelques vaches, des poulets, des moutons et parfois des porcs. Inutile de mentionner que son actif est à des années lumières de celui d’une méga porcherie du Québec.

Ces agriculteurs travaillent d’arrache-pied afin de subvenir à leurs besoins essentiels. Ils produisent la viande, le lait, les œufs, le fromage et quelques légumes pour leur consommation personnelle. Les surplus de leur labeur, lorsqu’ils sont présents, sont vendus au village afin de permettre l’achat de farine, de riz, d’huile et de combustible. Les revenus étant maigres, plusieurs d’entre eux coupent le peu de la forêt naturelle qui subsiste au pays et surexploitent leurs terres. Par conséquent, à long terme, les terres sont dénudées et subissent une baisse de productivité. Un grand besoin d’alternatives pour assurer un développement plus durable se fait ressentir, d’où notre présence au campo.

Un échange enrichissant

On a tous constaté dans nos familles respectives une volonté de travailler, une générosité gigantesque et une joie de vivre évidente. Il n’y avait pas de questions insensées, seulement une curiosité de savoir comment on vit au Canada, qu’est-ce qu’on y mange, comment fonctionne notre gouvernement et comment se nomment nos frères et sœurs.

Ces temps-ci, la vie d’un Argentin est devenue plus difficile à cause de la crise économique qui sévit depuis décembre 2001. En effet, la parité du peso argentin avec le dollar américain qui durait depuis plusieurs années a été brusquement levée et le peso s’est vu fortement dévalué. Ce qui revient à dire qu’aujourd’hui, le coût de la vie est le triple de ce qu’il était il y a deux ans, mais les salaires n’ont pas augmenté et ils sont versés avec plusieurs mois de retard. Étonnamment, on a appris que la crise économique a été moins dramatique pour les petits producteurs, puisqu’ils sont presque autosuffisants. Par contre, ils n’ont toujours pas plus de ressources matérielles. Certains utilisent encore les chevaux comme seul moyen de transport et pour travailler au champ, et la plupart n’ont pas l’électricité.

Pour solutionner cette problématique, le Programa Social Agropecuario (PSA) tente, depuis 1993, d’implanter des pratiques agricoles qui soient productives à long terme tout en valorisant la forêt. Et les coordonnateurs attendent avec beaucoup d’intérêt nos réactions d’écologistes et les évaluations que nous voulons faire. Nous voulons évaluer l’avancée et surtout les impacts écologiques de leurs propositions. De plus, nous valorisons le travail des agriculteurs et la vie au campo seulement par notre présence, ce qui constitue un objectif important du PSA.

Finalement, notre séjour à la campagne s’est avéré très enrichissant autant pour nous que pour les petits producteurs. Les aspects sociaux et écologiques ont été développés à fond et rien ne semble avoir été mis de côté. Maintenant, on a tous une nouvelle famille argentine qui attend déjà avec impatience nos lettres du Canada