Liaison, le journal de l'Université de Sherbrooke, 20 février 2003

 

La Nuit des rois

Le Théâtre du Nouveau Monde nous invite à pénétrer l’univers carnavalesque de La Nuit des rois, une merveilleuse histoire d’amours travesties, de joyeux jeux de doubles et de dupes, de masques et d’intrigues, le 4 mars à 20 h au Centre culturel.

Tant d’amours contrariées…

Viola (Catherine Trudeau), après avoir perdu son frère jumeau Sébastian (Danny Gagné) dans un naufrage, débarque en Illyrie, une île enchantée, pays légendaire où souffle le vent brûlant de la passion, de la volupté et du désir impitoyable. Pour affronter ces contrées inconnues, elle se déguise en jeune garçon et c’est sous les traits de Césario, un jeune eunuque, qu’elle entre au service du duc Orsino (Gilbert Sicotte). À partir de là, tout se bouleverse et le carnaval commence! La jeune fille se travestit en garçon, mais tombera-t-elle amoureuse du duc? Le duc envoie celle qu’il prend pour un garçon faire sa cour à la comtesse Olivia (Isabelle Blais) qui a fait vœu de chasteté à la suite du décès de son frère. Mais celle-ci, également trompée par les habits du jeune garçon, tombera-t-elle amoureuse de la jeune fille? Pendant ce temps, de l’autre côté de l’île, on s’amuse ferme : une servante délurée, Maria (Valérie Blais), se fait aider par l’oncle, un ivrogne impénitent (Frédéric Desager), et par un prétendant, Sir Andrew (Pierre Curzi), chevalier ridicule, pour se venger de l’intendant ultra puritain, Malvolio (Alain Zouvi). Ce dernier, piégé par sa propre vanité, verra sa raison mise en péril par ce trio burlesque, avant de les quitter en criant vengeance. Et comme si ce n’était pas suffisant, Feste (Julie Vincent), personnage séducteur et trompeur, incontournable et nécessaire, se mêle régulièrement à ce bal frénétique et joyeux. Avec beaucoup d’humour, les personnages, tous désespérément amoureux, useront de tous les moyens pour tenter d’accéder au bonheur. On change de sexe, d’identité, de statut social, de fonction… tous les coups sont permis. Mais l’amour, toujours, dérange tous les plans.

Écrite en 1601 et éditée en 1623, La Nuit des Rois est considérée comme étant la plus grande des comédies de l’auteur. Shakespeare a écrit cette œuvre comme on compose un opéra : le baroque est partout, pour notre plus grand délice. La Nuit des rois aime mêler tous les genres : farce, comédie, féerie, drame, fantaisie. Cette pièce démesurée et populaire au sens noble du terme, mêle adroitement émotions et humour grotesque, surnaturel et réalisme, pour le plus grand mérite d’un théâtre conscient de lui-même et de ses artifices.

Un pur esprit de fête

Avec La Nuit des rois, Yves Desgagnés vient compléter le cycle des comédies de Shakespeare. Les deux productions précédentes en faisant foi, le metteur en scène aime plaisanter avec les classiques… et dévergonder Shakespeare avec un profond respect de l’œuvre! Grand rassembleur, le metteur en scène fait plus que réunir des comédiens autour d’un projet, il constitue une véritable troupe, comme il en existait au temps de Shakespeare. Fidèle à lui-même, Yves Desgagnés mène son équipe dans un pur esprit de fête, marque distinctive de ses réalisations précédentes, au grand plaisir des spectateurs qui ont manifesté leur admiration en lui décernant le prix Gascon-Roux de la mise en scène pour Les Joyeuses Commères de Windsor. Il portera donc encore une fois sa vision personnelle et jubilatoire sur cette comédie amoureuse, traduite par l’auteur Normand Chaurette qui transmet, avec le talent qu’on lui connaît, tout le souffle poétique du Grand Will. Sous sa plume, l’écriture de Shakespeare nous est rendue dans sa puissante beauté.

Avec Peter Batakliev, Isabelle Blais, Valérie Blais, Pierre Curzi, Frédéric Desager, Danny Gagné, Miro, Christophe Rapin, Jean René, Daniel Rousse, Gilbert Sicotte, Catherine Trudeau, Julie Vincent et Alain Zouvi.