Liaison, le journal de l'Université de Sherbrooke, 28 novembre 2002

 

Une première femme professeure en physique

Karyn Le Hur est devenue cet automne la première femme professeure de physique de l’histoire de l’Université. La chercheure d’origine française s’est jointe au groupe de physiciens théoriciens formé des professeurs Claude Bourbonnais, René Côté, David Sénéchal et André-Marie Tremblay.

Charles Vincent

Le directeur du Département de physique, Claude Bourbonnais, se réjouit de cette embauche. "Karyn Le Hur est une excellente chercheure, indique-t-il. Sa formation dans les grands laboratoires européens est un atout pour notre groupe de chercheurs, notamment pour son apport original aux différentes techniques mathématiques servant à mieux comprendre les propriétés de matériaux complexes comme les supraconducteurs."

Claude Bourbonnais se félicite également de l’arrivée de la première femme professeure : "Karyn Le Hur incarne le dynamisme de la nouvelle génération. Elle est jeune, énergique. Son arrivée est comme une bouffée d’oxygène dans une discipline où les modèles sont presque exclusivement masculins. Elle contribuera certainement à servir d’exemple pour les jeunes, pour les jeunes femmes en particulier".

Moins de 20 % des étudiants en physique sont des femmes. On ne compte aucune doctorante et seulement 2 étudiantes sont inscrites à la maîtrise. Un portrait qui contraste légèrement avec la situation française. "En France, souligne Karyn Le Hur, l’influence de Marie Curie semble se faire davantage sentir. Elle s’avère un modèle très attracteur. Les femmes comptent pour environ le quart des étudiants en physique, même au niveau des études avancées."

Même si elle est convaincue qu’il n’existe pas d’approche féminine en physique, la professeure Le Hur croit qu’il est essentiel que les effectifs étudiant et professoral reflètent autant que faire se peut la répartition des deux sexes. "C’est la créativité de la personne qui fait la différence, pas son genre, explique-t-elle. Quoi qu’il en soit, il est primordial que les femmes intègrent la profession afin de mieux rendre compte de la diversité du monde qui est le nôtre."

Karyn Le Hur a choisi de faire de la physique théorique parce que depuis son tout jeune âge, elle a cherché à mieux comprendre l’univers qui nous entoure, dans ce qu’il offre d’infiniment petit et d’infiniment grand. "Je pouvais m’intéresser au fonctionnement d’une lampe, ou encore à celui d’une radio, se rappelle-t-elle. J’ai toujours été fascinée par l’inconnu. À mes yeux, faire de la physique théorique c’est comme créer une pièce de théâtre ou un tableau. Il faut s’imaginer et entrer dans l’inconnu, dans ce que l’on ne peut pas voir."

Les recherches menées par la professeure Le Hur portent en grande partie sur la physique mésoscopique, autrement dit la physique de l’infiniment petit. La chercheure s’intéresse notamment à l’évolution dans l’espace des corps de la grosseur d’un atome. Elle a obtenu un diplôme d’études avancées (DEA) en physique théorique à l’École normale supérieure de Paris et un doctorat de l’Université de Paris-Sud (Orsay). Dans le cadre de stages post-doctoraux, elle a aussi travaillé sous la direction de Maurice Rice à l’ETH de Zurich, l’un des plus grands spécialistes de matière condensée et plus particulièrement de supraconductivité.

Karyn Le Hur participe également aux recherches du Centre de recherche sur les propriétés électroniques de matériaux avancés (CERPEMA). L’équipe de chercheurs de ce centre est à l’origine de nombreuses percées scientifiques fondamentales dans le domaine des liquides de Luttinger faiblement couplés, des isolants magnétiques quasi-unidimensionnels et du problème combiné pseudo gap, antiferromagnétisme et supraconductivité dans les conducteurs organiques et les oxydes de cuivre. Ce laboratoire est le seul au Canada à œuvrer activement dans le domaine des conducteurs organiques.

La professeure Le Hur bénéficie d’une subvention du CRSNG d’une durée de trois ans et dont la valeur totale est de 84 000 $. Somme à laquelle s’ajoutent le fonds de démarrage du doyen de la Faculté des sciences et un support financier et technique du Département de physique. La professeure dirige actuellement deux étudiants, John Hopkinson qui réalise un post-doctorat et le doctorant Michel Pioro-Ladrière. Elle donnera son premier cours à l’hiver 2003, un cours qui porte sur l’électromagnétisme de base.

La physicienne Karyn Le Hur contribuera certainement à servir d’exemple aux jeunes femmes qui sont encore très peu nombreuses dans cette discipline.