HUGO RACINE
collaborateur pigiste

Vous chantez beaucoup, peu ou pas du tout? Vous arrive-t-il de fredonner les succès radiophoniques? Bien sûr, répondrez-vous! Mais dans votre répertoire, quelle place réservez-vous aux chansons Savez-vous planter des choux?, Trois Petits Chats ou encore Frère Jacques? Francis Corpataux, ethnomusicologue et professeur à la Faculté d’éducation, s’est posé la question. Il s’est intéressé à l’importance et à la survie des chansons traditionnelles dans le monde, et plus particulièrement auprès des enfants.

En 1987, ce passionné de musique monte un projet innovateur, unique sur la planète : répertorier les berceuses et les chants de jeux traditionnels pour enfants. "Il existe très peu de recherches dans ce domaine et avec l’arrivée de la musique populaire, les chants traditionnels semblent disparaître de nos cours d’école et de notre vie quotidienne", raconte-t-il. C’est de là qu’est partie l’idée de produire une riche collection musicale sur disque compact regroupant des interprétations de chansons typiques de régions diverses. Un véritable patrimoine musical international.

L’aventure commence en 1990 alors que Francis Corpataux se lance en Guinée et au Sénégal. Son matériel de travail : un micro, un système d’enregistrement performant et un sac à dos. Son équipe, formée de son épouse Béatrix et de guides, d’interprètes et de traducteurs, rencontre des groupes d’enfants. "Certains faussent, d’autres oublient les paroles ou les modifient, mais cela importe peu. C’est la spontanéité que je désire capter. Je ne leur demande pas de recommencer, car pour un enfant, ça peut paraître absurde de chanter la même chanson deux fois. Ils préfèrent passer à la suivante", mentionne-t-il.

Au cours de ses visites dans différents pays, le professeur a dû enregistrer des chansons lors de situations très émotives qui évoquaient, par exemple, le rituel d’excision ou un rite d’initiation. "La souffrance physique liée aux rites, la joie de la préparation d’une fête ou tout autre événement sont des facteurs qui influencent l’interprétation des enfants. Malgré mes valeurs personnelles, l’anthropologue en moi ne peut juger la situation. Je prélève la richesse des cultures", avoue-t-il.

Pour ses recherches en ethnomusicologie, Francis Corpataux fait tourner les têtes. Il a participé à plusieurs émissions de radio et de télévision à Radio-Canada, France Culture, France Musique, Radio Suisse romande, Radio Télévision Belge, etc. L’Académie Charles-Cros lui a décerné en mars une mention spéciale pour l’ensemble de son travail. Cette académie, composée d’une cinquantaine d’experts élus, a comme objectif de promouvoir la culture et tout particulièrement la musique dans la diversité de ses expressions. De plus, François Picard, spécialiste français des musiques traditionnelles reconnu à l’échelle internationale, a souligné son travail en le qualifiant "d’une des plus étranges et plus belles aventures que le monde des musiques du monde a vécues ces dernières années". Cet ethnomusicologue a invité Francis Corpataux à participer à un séminaire à la Sorbonne en mars dernier.

Son prochain voyage? "Je prépare un projet pour Madagascar où l’on trouve une richesse musicale extraordinaire en raison des vagues d’immigration de l’Asie et de l’Afrique, mais si la situation politique et économique ne s’améliore pas, ce ne sera pas possible", conclut le grand voyageur au cœur d’enfant.