Lothar Wolf

<<Je parle, donc je suis... de quelque part>>

Lothar Wolf, professeur à l'Université d'Augsburg en Allemagne, un des plus grands spécialistes du français québécois, a reçu un doctorat honoris causa en lettres et communications lors de la cérémonie du samedi 18 octobre en après-midi.

S'adressant alors aux quelque 400 diplômées et diplômés présents et à leurs invités, celui que l'on considère comme l'instigateur des études sur le français québécois en Europe et en Allemagne a d'abord tenu à remercier l'Université de Sherbrooke de cet honneur.

Puis il a livré quelques réflexions linguistiques que ses 25 ans de recherche lui avaient inspirées, comparant l'évolution des langues allemande et française. <<Dans le fédéralisme linguistique allemand, les variétés du bon usage allemand permettent tout de suite de localiser son interlocuteur et de dire d'où il vient. (...) Dans les pays de langue allemande, la majorité de la population dirait même que quelqu'un qui ne permet pas de dire, par son langage, d'où il vient, est un individu suspect, d'une façon ou d'une autre.>>

Évoquant le centralisme linguistique parisien qui, dès le XVIIe siècle, avait dominé la conscience linguistique des francophones, le linguiste a rappelé que les francophones avaient développé une attitude inverse face à la variation langagière : tout ce qui ne ressemblait pas au français parisien était perçu négativement.

<<Au Québec, a poursuivi Lothar Wolf, la Révolution tranquille a changé cette situation en profondeur. L'émancipation de la langue française au Québec, sans nier la présence de l'anglais ni du français parisien, s'achève aujourd'hui par la constitution d'un Bon usage québécois de la langue française, qui répond à la volonté de la population d'être quelque part, c'est-à-dire d'avoir une patrie, une patrie linguistique.

<<Comme Allemand qui ne connaît que des variétés du bon usage, je me sens donc comme chez nous, ici au Québec. En acceptant ces variétés, on exprime son assurance face à sa propre identité. On vainc le doute de son existence, de son existence linguistique, et on peut dire, en modifiant Descartes : Je parle, donc je suis... de quelque part.>>

Bruno Levesque