Nicole Brossard

Écrire <<Je suis une femme>> est plein de conséquences

Lors de la cérémonie du samedi 18 octobre en après-midi, la femme de lettres Nicole Brossard, récipiendaire d'un doctorat d'honneur en lettres et communications de l'Université de Sherbrooke, s'est adressée aux diplômées et diplômés des facultés d'Administration et des Lettres et sciences humaines.

Après avoir salué les femmes et les hommes qui, présents dans la salle Maurice-O'Bready, avaient contribué par leur enseignement et par leurs écrits à enrichir l'espace littéraire et à stimuler une réflexion et un engagement féministes, Nicole Brossard a évoqué la notion de passage qu'elle percevait dans l'association des mots <<lettres>> et <<communications>>, comme dans faire passer une idée, une intuition, un sentiment.

La poète, romancière et essayiste a aussi parlé de la fin prochaine du XXe siècle et des réflexions que ce tournant lui inspirait. <<Fin de siècle troublante, a-t-elle dit, pour qui a grandi en humaniste et pratique un art qui exècre le superficiel, la vitesse, un art qui reste profondément moral, c'est-à-dire attentif à la vie humaine dans ses petites et grandes manifestations pour signifier au-delà de la reproduction des corps. Oui, je vous l'avoue, il m'arrive parfois de me demander ce que peut ma lenteur d'écrivaine contre la vie et la mort en direct racontées par l'image médiatique.

<<Certes une fin de siècle qui nous réserve une perspective inégalée sur l'histoire, a poursuivi Nicole Brossard. Une vue d'ensemble améliorée de la planète, de nos gènes avec, en simulation, quelques gros plans sur nos visages étonnés interactifs et curieux de comprendre les passions sanglantes auxquelles l'humanité des hommes s'est adonnée depuis toujours. Le monde change certes, mais pourquoi le nombre de salauds méthodiques ou mythomanes ne diminue-t-il pas? Pourquoi quatre-vingt pour cent des femmes de la terre sont-elles propriétés d'hommes et intimées à fabriquer du fils? Le monde change et pourtant nous enjambons constamment le présent.

<<J'écris parce que c'est dans la langue qu'il faut deviner, gagner notre humanité. J'écris parce que le présent est incommensurable. Précieux présent qui garde les sens en alerte. Présent qui me fait dire en terminant : Écrire "Je suis une femme" est plein de conséquences.>>