Un document virtuel pour révolutionner l'enseignement de l'histoire

À l'aube de l'an 2000, plusieurs imaginent déjà l'ordinateur se substituant aux enseignantes et enseignants dans les salles de cours. Si Luc Guay, professeur à la Faculté des lettres et sciences humaines, ne prévoit pas le remplacement du personnel enseignant, il prépare toutefois une révolution de l'enseignement de l'histoire avec son projet d'innovation pédagogique.

Bénéficiant d'une subvention de l'Université dans le cadre des projets d'innovation pédagogique, Luc Guay et son équipe de huit étudiantes et étudiants travaillent à la conception et à la scénarisation d'un logiciel qui doit servir d'outil pour l'enseignement de l'histoire en deuxième secondaire. <<Notre objectif est de créer un manuel scolaire. Toutefois, nous voulions sortir du manuel imprimé pour nous concentrer sur un manuel virtuel. Nous remettons ainsi en question l'enseignement conventionnel>>, précise-t-il.

Le projet de recherche doit permettre aux élèves d'acquérir leurs connaissances en histoire par le biais de missions et de caricatures présentées sur un logiciel. Cette initiative favorisera la diminution du temps accordé aux cours magistraux tout en maintenant l'intérêt des adolescents. <<Au lieu que ça soit l'enseignante ou l'enseignant qui déverse les informations, nous voulons que les élèves viennent chercher leurs connaissances eux-mêmes, souligne Luc Guay. Ainsi, il y a une interaction, l'enseignant agissant plus comme une sorte d'entraîneur.>>

À l'aide de la souris, l'élève sélectionne les bouts d'information dont il a besoin et progresse dans la matière à son rythme. Luc Guay explique que le document débute avec une mise en scène spéciale, soit une caricature. Le but est d'attirer l'intérêt du jeune. Un texte accompagne la caricature et présente plusieurs concepts. L'élève va alors cliquer sur un élément et obtenir une énumération de documents historiques. Des illustrations et des explications lui sont fournies à l'écran. Lorsqu'un élève maîtrise bien le concept, il peut passer à une autre étape, et ce, toujours en consultant les nombreux documents d'époque regroupés dans le logiciel.

En relation directe avec l'histoire

Par le biais du document virtuel, les intervenantes et intervenants scolaires posent un problème avec des illustrations et des outils pour le résoudre. L'élève est amené à formuler une hypothèse de solution. <<Nous voulons bâtir 47 missions différentes qui répondront aux objectifs d'enseignement de l'histoire de deuxième secondaire, explique le professeur. Après avoir parcouru les missions, l'élève aura acquis les connaissances et habiletés prescrites par le programme d'histoire générale. C'est bien différent du document imprimé, puisque c'est le jeune qui aura à décoder les véritables documents d'époque.>>

Selon Luc Guay, cet outil pédagogique permettra à l'élève d'avoir accès à un grand nombre de renseignements, ce qui constitue un avantage considérable au niveau de l'enseignement de la matière. <<De plus, cela doit favoriser le développement de l'esprit de synthèse et d'analyse. Les manuels imprimés misent beaucoup sur les connaissances factuelles. Nous voulons que celles-ci soient maintenant très concrètes. Voilà pourquoi nous privilégions les illustrations et les textes d'époque.>>

En concevant le logiciel, le groupe de recherche sherbrookois souhaite motiver les élèves et susciter leur intérêt pour l'histoire. Le professeur du Département d'histoire et de sciences politiques rappelle qu'auparavant, l'histoire s'enseignait à partir de la mémorisation d'une multitude de dates. <<C'est comme si l'on déversait un flot de connaissances sur les élèves, explique Luc Guay. Aujourd'hui, on enseigne l'histoire avec un objectif de compréhension de l'époque à laquelle on vit. Toutefois, on s'aperçoit que les groupes d'élèves changent au fil des ans et qu'il nous faut développer différemment leurs habiletés intellectuelles.>>

<<On se retrouve actuellement avec trois catégories d'élèves : ceux qui apprennent facilement, ceux qui éprouvent des difficultés d'apprentissage et les autres qui ne veulent rien savoir de la matière. Les plus forts perdent de l'intérêt alors que les moyens et les faibles ont vu qu'il était possible de réussir sans trop se forcer. Le défi de l'enseignant est double : aller chercher les deux derniers tiers de son groupe et les amener à apprendre la nature et les finalités de l'histoire et maintenir l'intérêt des plus forts. Son rôle consiste à motiver les jeunes et à répondre à leurs questions. Les cours ne doivent plus être complètement magistraux.>>

Un document à valider en stage

Travaillant à la mise au point du projet depuis 1995, Luc Guay et son équipe élaborent présentement les missions du logiciel qui doit être finalisé à la fin du mois de décembre. Le document sera ensuite validé auprès de la clientèle étudiante de différentes institutions du secondaire. De fait, les huit étudiantes et étudiants chercheurs participant au projet vont faire leur stage en milieu scolaire et seront appelés à enseigner dans plusieurs régions du Québec.

<<Bien entendu, les clientèles visées seront multiples, souligne le professeur. Nous aurons donc des rétroactions pertinentes et nous pourrons rectifier le tir si nécessaire. C'est fini le temps où les livres seront imprimés sans être retouchés durant dix ans. Le document virtuel qui sera conçu à l'Université sera à la portée de tous et de toutes. Nous utiliserons les nouvelles technologies de l'information et des communications pour améliorer la pédagogie>>, a souligné Luc Guay.

Sylvie Pion

Vignette

Luc Guay a enseigné 23 ans au niveau secondaire et a réalisé deux manuels d'histoire imprimés. Il croit maintenant qu'il faut utiliser de nouvelles méthodes pour aller plus loin dans l'enseignement de cette matière et ainsi permettre aux élèves d'avancer à leur rythme. Éventuellement, le professeur au Département d'histoire et de sciences politiques pense que ce type de document virtuel pourrait être appliqué à d'autres matières.