Une passerelle cyclo-pédestre au matériau révolutionnaire

La construction d'une passerelle cyclo-pédestre au-dessus de la rivière Magog représente pour un groupe de chercheurs de l'Université l'application directe des fruits de leur recherche. Révolutionnaire en raison du type de matériau utilisé, la passerelle d'une portée de 60 mètres fait tourner vers Sherbrooke les yeux de plusieurs scientifiques de la planète.

Il faut dire que l'ingéniosité et la collaboration ont été mises à l'honneur tout au long de la réalisation du projet. Rappelons que l'installation de la passerelle au cours de l'été constitue la première application industrielle d'une technologie qui a été mise au point au Département de génie civil de l'Université de Sherbrooke.

Un béton à très haute performance, soit un béton de poudres réactives (BPR), entre dans la composition de la passerelle. Il a été développé par la compagnie française Bouygues, mais rendu utilisable sur les chantiers grâce à la collaboration du directeur scientifique de Béton Canada à l'Université de Sherbrooke, Pierre-Claude Aïtcin.

Du béton à différentes sauces

Cette structure plus légère et résistante présente une technologie qui a réussi à intégrer trois concepts, c'est-à-dire l'utilisation du béton de poudres réactives pour la construction du tablier de la passerelle, l'intégration du béton dans de minces tubes en acier inoxydable et la conception d'une structure réticulée postcontrainte.

La construction des segments de la passerelle a été assurée par la compagnie Béton Bolduc de Sainte-Marie-de-Beauce. Les six voussoirs se caractérisent par l'épaisseur de la dalle qui fait à peine 3 cm. Éric Dallaire, chercheur au sein de l'équipe de Pierre-Claude Aïtcin, soutient qu'il s'agit d'une première mondiale en ce qui a trait à l'utilisation de ce type de béton pour réaliser une structure de génie civil.

<<L'autre aspect innovateur réside dans la construction de la structure en treillis tridimensionnel, dit-il. Auparavant, nous ne pouvions utiliser ce type de structure puisque la résistance du béton n'était pas assez élevée. Des capteurs actuellement installés dans la structure nous permettent de suivre de près la réaction du béton.>>

Un travail d'équipe

C'est donc toute une collaboration qui a permis l'implantation de la passerelle pour les piétons et les cyclistes. Éric Dallaire mentionne que la compagnie française Bouygues a d'abord développé le concept de béton de poudres réactives avant de faire appel à l'équipe de l'Université de Sherbrooke.

<<Lorsque les gens de Bouygues ont tenté d'appliquer leur concept à une plus grande échelle, ils ont rencontré des difficultés et ils ont fait intervenir notre groupe. Rapidement, nous avons réglé certains problèmes et obtenu du succès. C'est de là qu'a germé l'idée d'utiliser ce type de béton pour réaliser la passerelle. Le projet a été réalisé avec la participation financière des trois paliers de gouvernement.>>

Ainsi, l'équipe de Pierre-Claude Aïtcin, composée des chercheurs Éric Dallaire et Mohamed Lachemi, a une belle chance de voir ses connaissances transférées vers la communauté. <<La raison d'être de Béton Canada est justement d'assurer un transfert des technologies développées à l'Université de Sherbrooke et dans d'autres universités canadiennes pour les rendre plus compétitives, explique Pierre-Claude Aïtcin. Depuis 1989, l'équipe en génie civil a réalisé plusieurs projets avec le milieu. Nous avons été appelés à travailler entre autres sur la réhabilitation de ponts, dont celui de Port-Neuf et du pont Jacques-Cartier. Avec la Ville de Sherbrooke, nous avons été engagés dans la construction de portions de trottoirs.>>

Le chercheur mentionne que des projets semblables sont réalisés depuis la mise sur pied de Béton Canada. <<Nous travaillons beaucoup au niveau de la réalisation de projets avec le ministère des Transports, auprès des entrepreneurs, constructeurs et les producteurs de béton afin de mettre au point des bétons haute performance. Nous oeuvrons également avec les petites et moyennes entreprises pour les faire avancer du point de vue technologique>>, conclut Pierre-Claude Aïtcin.

Sylvie Pion

Vignette

Les révolutionnaires du béton : Yves Delagrave, de Béton Canada - Université de Sherbrooke; Claude Cinq-Mars, de la Ville de Sherbrooke; Régis Adeline, de la compagnie française Bouygues; Éric Dallaire, professionnel de recherche à l'Université de Sherbrooke; Richer Roy, de Pomerleau; Pierre Blais, de Teknika; Frédéric Cazau, de Bouygues; et Mohamed Lachemi, professionnel de recherche à l'Université de Sherbrooke. Pierre-Claude Aïtcin, directeur scientifique de Béton Canada - Université de Sherbrooke, était absent au moment de la prise de photo.