Une petite fringale?
Ce n'est rien, juste une poussée de NPY

Samir Bouali a 27 ans. Il a obtenu son doctorat en pharmacologie en 1994, à l'âge de 25 ans, ce qui en fait le plus jeune diplômé du programme de doctorat en pharmacologie au Canada.

Avec deux postdoctorats à son actif, plusieurs publications, des prix et des bourses, Samir Bouali est décrit par les directeurs de recherche qu'il a côtoyés comme quelqu'un de méthodique, sérieux et efficace, démontrant une grande capacité de travail.

Depuis le mois de novembre, le jeune diplômé est chercheur visiteur scientifique au Laboratoire de neuropharmacologie du Massachusetts Institute of Technology (MIT).

L'essentiel de la recherche de Samir Bouali porte sur le neuropeptide Y communément appelé NPY. Cette substance naturelle stimule l'appétit et est impliquée directement dans la physiopathologie de l'obésité. <<Tout le monde en produit, mais les personnes obèses en fabriquent beaucoup plus que la norme et le NPY est également plus actif chez elles>>, explique le chercheur.

Sujets obèses : trop de NPY

Pour étayer ses théories, le chercheur a utilisé des approches neurocomportementales, neurochimiques et radio-immunologiques. <<Nous avons décelé, chez des rats de laboratoire obèses, une concentration dix fois plus grande de NPY que chez des sujets normaux, révèle-t-il. Après avoir établi le profil des effets neurologiques comportementaux produits par le NPY, nous avons découvert que cette concentration de NPY était plus importante dans certains endroits du cerveau.>>

L'équipe de recherche à laquelle appartient Samir Bouali a démontré que la région la plus sensible à l'effet du NPY sur l'appétit serait le Perifornical Nuclei (PeF), situé dans l'hypothalamus. <<Nous avons fait une étude topographique du cerveau pour repérer l'endroit où le NPY s'avérait le plus efficace pour stimuler l'appétit, poursuit-il.

<<Pour réguler l'appétit des personnes obèses, il suffirait de trouver un antagoniste qui maîtriserait les effets du NPY dans le système. Cet antagoniste ou cette sorte de bouchon, si vous préférez, irait agir principalement dans la région du PeF. Un contrôle qui s'exercerait donc au niveau des récepteurs du NPY.>>

Un surplus de NPY provoque plus que des problèmes de suralimentation. Depuis plusieurs années, on a en effet découvert que ce peptide causait de l'hypertension, un problème de santé fréquemment vécu par les personnes obèses. Il existe donc un lien très étroit entre l'obésité et l'hypertension. Les recherches de Samir Bouali sont par conséquent doublement utiles du point de vue de la santé publique.

Anorexiques par manque de NPY?

C'est avec l'équipe d'Alain Fournier, professeur et chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique en santé, que Samir Bouali a collaboré pour tenter de produire de façon synthétique une substance susceptible de bloquer les récepteurs du NPY chez les personnes obèses. <<Actuellement, nous pouvons créer des antagonistes efficaces. Nous espérons découvrir un antagoniste peptidique semblable au point de vue structural au NPY, qui pourrait aller se fixer aux récepteurs pour bloquer l'entrée du NPY, mais sans causer d'effets secondaires.>>

Si les personnes obèses sécrètent trop de NPY, les personnes anorexiques en ont une carence. <<Les anorexiques vivent le problème inverse, souligne le chercheur. Leur récepteur devient peu à peu insensible au NPY en libérant de moins en moins de cette substance dans le sang, d'où cette absence progressive d'appétit, symptôme le plus évident de l'anorexie.>> Si l'équipe de recherche découvre un antagoniste pour contrôler l'appétit des personnes obèses, elle arrivera peut-être du même coup à mettre le doigt sur la substance susceptible de ressusciter l'appétit chez ceux qui n'en ont plus, c'est ce qu'on appelle un agoniste.

Un parcours ascendant

Samir Bouali est arrivé au Québec en 1990 avec en poche un diplôme de maîtrise en biochimie de l'Université de Tlemcen en Algérie ainsi qu'une bourse de l'Association canadienne de développement international (ACDI) et du ministère de l'Enseignement supérieur algérien remportée à l'issue d'un concours national. Cette bourse lui permettait de compléter des études doctorales dans le pays de son choix.

<<Les contacts que j'avais déjà établis avec des gens de Sherbrooke ainsi que l'excellente réputation du Département de pharmacologie ont pesé dans la balance quand est venu le temps de décider, reconnaît-il. J'ai choisi l'Université de Sherbrooke où j'ai poursuivi mes études doctorales durant quatre ans sous la direction de François Jolicoeur, professeur et chercheur au Département de psychiatrie-pharmacologie. Mes recherches ont porté sur Le neuropeptide Y (NPY) et son rôle dans la physiopathologie de l'obésité et de la thermorégulation.>>

À la fin de son doctorat, Samir Bouali a obtenu la bourse postdoctorale annuelle du Groupe de recherche sur le système nerveux autonome, ce qui lui a permis de travailler une année au Département de physiologie de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal avec Jacques de Champlain, professeur et chercheur. Ses travaux ont porté sur l'implication du NPY dans la physiopathologie de l'hypertension.

Une autre bourse postdoctorale du Fonds de la recherche en santé du Québec lui a ensuite donné la possibilité de se joindre à l'équipe de Jolanta Gutkowska, du laboratoire de biochimie cardiovasculaire du Centre de recherche Hôtel-Dieu de Montréal. Depuis l'automne 1996, il poursuit ses recherches avec le chercheur Timothy Maher, du MIT.

Hélène Goudreau

Vignette

Samir Bouali est le plus jeune diplômé du programme de doctorat en pharmacologie au Canada. Il poursuit ses recherches au Massachusetts Institute of Technology sur le rôle du neuropeptide Y (NPY) dans la physiopathologie de l'obésité.