Vincent Ryan Allard

Vincent, des nombreuses conversations que nous avons eues ensemble, ce que je retiens le plus c'est l'acharnement avec lequel tu choisissais tes mots pour exprimer ta pensée. Ce que tu avais à dire semblait toujours si difficile, les mots semblaient toujours si insuffisants, si trompeurs. Tous ceux qui t'ont entendu ont sûrement trouvé que tes idées étaient incompréhensibles à un moment ou à un autre.

Je me rappelle de toi dans les cours, avec ton éternelle tablette de papier jaune, sur laquelle tu notais non seulement les enseignements du professeur, mais aussi les idées que t'inspirait l'oeuvre du philosophe à l'étude. Les philosophes te parlaient, et tu savais les écouter. Le message qu'ils t'envoyaient était toujours le même : la vie est un mystère imprévisible et changeant, merveilleux et inexprimable.

C'est cela que tu cherchais à communiquer à tous. Dans la bonne humeur et la camaraderie, tu nous disais que la vie est belle et incompréhensible, que les mots n'arrivent jamais à exprimer l'essentiel qui se tient dans le silence. Malgré tout, tu savais que nous avons besoin des mots pour traduire la beauté du silence, pour le rendre accessible à ceux qui ne l'entendent pas encore.

Et pour toi ce n'était pas seulement une idée philosophique, ou une fantaisie, car je ne me souviens pas de t'avoir vu malheureux et je n'ai rencontré personne qui n'appréciait pas ta compagnie. Et si je t'ai déjà vu impatient face aux innombrables bêtises humaines, à chaque fois ton sourire prenait la relève de ton impatience et c'est haut et fort que tu finissais par rire de la situation.

Ta mort, Vincent, est pour moi aussi inexprimable que la vie. Elle est tout aussi imprévisible, tout aussi mystérieuse. Elle a pour moi ce même caractère de la vie dont tu nous parlais par ta façon d'être. Ta mort, Vincent, est pour moi, pour nous, ton ultime message. Car maintenant que les mots sont devenus inutiles, il me semble pourtant t'entendre dire, dans ton mystérieux silence : Allons! N'êtes-vous pas tous bien vivants? Ne cherchez pas plus loin le bonheur!

Vincent, notre compagnon de route, tu as quitté le sentier avant nous, mais ta façon de marcher fière et joyeuse nous inspire. Nous ne porterons pas le souvenir de ta mort comme un fardeau sur nos épaules, mais c'est plutôt ton souvenir qui nous portera en donnant une force nouvelle à chacun de nos pas. Voilà, nous faisons une pause pour te rendre les honneurs qui te sont dus, nous reprendrons bientôt notre marche.

Denis