Chercheur d'or cherche molécules

Les chercheuses et chercheurs de l'Université de Sherbrooke ont obtenu beaucoup plus que leur part du gâteau à l'occasion de l'édition 1995 du Programme d'établissement de nouveaux chercheurs du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche (FCAR). Les résultats obtenus à ce concours révèlent que les montants octroyés à l'Université de Sherbrooke sont deux fois plus importants qu'aurait pu le laisser présager la taille de l'établissement. Pour souligner cette réussite, LIAISON vous présente aujourd'hui le portrait d'un des 13 récipiendaires de ces subventions.

La recherche de Paul Rowntree, professeur à la Faculté des sciences, consiste à modéliser l'agencement de molécules absorbées par une surface d'or et à transmuer la couche organique que forment ces molécules. Le jeune chercheur a obtenu du FCAR une subvention totalisant 62 000 $ sur trois ans, dont 20 000 $ pour l'appareillage.

Paul Rowntree ainsi que les chercheurs et chercheuses qui l'entourent observent l'organisation des molécules sur l'or grâce à un microscope spécial. <<Seul un tel microscope rend possible l'obtention d'images qui détaillent, à l'échelle atomique, le relief d'une plaquette d'or très plane à laquelle adhèrent des molécules>>, précise le chimiste.

Ce microscope comporte notamment un fil métallique très fin qui balaye la surface. Un très faible courant électrique le traverse, courant dont le voltage s'ajuste électroniquement en fonction de la couche organique et des imperfections de la plaquette d'or. <<Les images obtenues nous montrent distinctement que les molécules ne s'ordonnent pas aléatoirement : elles s'alignent par rangées de deux, et un espace sépare ces deux rangées des autres couples de rangées>>, affirme Paul Rowntree.

Le chercheur et son équipe recourent de plus à la spectroscopie infrarouge. <<Contrairement à l'or, les molécules absorbent les rayons infrarouges. En mesurant la quantité de lumière après réflexion, en fonction de la longueur des ondes, nous pouvons déduire l'angle des assemblages moléculaires par rapport à la surface, poursuit Paul Rowntree. Si, par exemple, un assemblage se termine par un groupement méthyle (CH3), et si cet assemblage se dresse perpendiculairement, le spectromètre excitera les vibrations simultanées des trois atomes d'hydrogène. Mais si le même assemblage s'étendait sur la surface, le spectromètre ne les exciterait pas. Le graphique que trace l'ordinateur rend compte de ces vibrations des éléments qui réagissent à la lumière infrarouge.>>

L'orientation des molécules indique, entre autres, la compacité de la couche organique. <<Une couche organique bien organisée couvre presque entièrement la surface, explique le chercheur. Des molécules orientées à 35 degrés empêcheront d'autres molécules de se fixer sur la surface. C'est comme une forêt où les arbres pousseraient à 35 degrés : elle serait plus dense qu'une forêt où les arbres poussent à la verticale.>>

L'équipe que dirige Paul Rowntree tente par ailleurs de modifier la composition de la couche organique en bombardant d'électrons les molécules. <<Connaissant l'organisation des molécules, nous pouvons briser les liens de manière sélective>>, explique Paul Rowntree, qui ajoute que les liens chimiques représentent en fait le partage des électrons entre les atomes. Les groupements méthyles (CH3) s'avèrent particulièrement sensibles aux bombardements d'électrons; ils se détachent des assemblages qu'ils terminent, et nous pouvons créer du fait des radicaux, c'est-à-dire des sites chimiques réactifs, disponibles pour d'autres éléments ou molécules.

<<Comprendre comment une couche organique se fixe sur une surface métallique, comment les molécules s'agencent et, de surcroît, comprendre les façons de modifier la composition de cette couche peut servir, avance Paul Rowntree à titre d'exemple, au recouvrement d'une pièce métallique implantée dans le corps humain afin de la protéger des agressions de l'organisme.>>

Daniel Morin

Vignette

Paul Rowntree, professeur au Département de chimie, ainsi que les chercheurs et chercheuses qui l'entourent, observent l'organisation des molécules sur l'or grâce à un microscope spécial. Il a obtenu une subvention de 62 000 $ du FCAR pour mener ses recherches.