Les pierres d'achoppement

Une pierre, une autre pierre, et encore une... Que résulte-t-il de ces ajouts? Un tas de pierres. Maintenant, dans la formation, une quelconque matière, puis une autre... Qu'en résulte-t-il? <<Le plus souvent, un tas de difficultés!>> lance Yves Lenoir, vice-doyen à la Faculté d'éducation.

L'enseignement primaire s'achoppe, depuis bon nombre d'années, à l'intégration des matières, affirme Yves Lenoir. Le ministère de l'Éducation l'a scandé : <<In-té-grez les ma-ti-ères!>> Mais lesquelles? et comment? et surtout, pourquoi?

<<J'ai constaté, poursuit Yves Lenoir, qu'intégrer indûment comportait un sérieux danger; qu'en fait, il s'agissait souvent du moyen le plus sûr de désintégrer les apprentissages des élèves!>> Un constat qui tient toujours, se désole Yves Lenoir. <<En 1990, j'ai recensé 250 publications québécoises, et la majorité des activités éducatives proposées en ce sens ne se fondaient sur aucune recherche.>>

Selon Yves Lenoir, ce type d'activité éducative ne tient généralement pas compte de la raison d'être de chacune des matières jumelées. <<C'est que l'interdisciplinarité fait défaut au corps enseignant, dit-il. On ne l'a pas formé dans cette optique. Et l'intégration que réclame le ministère de l'Éducation, à mon sens, va de pair avec l'interdisciplinarité, dont le propre est justement de faciliter l'intégration des apprentissages et des savoirs.>>

L'intégration des apprentissages désigne les processus cognitifs mis à contribution lors d'un apprentissage, alors que l'intégration des savoirs désigne le produit de ces processus : le savoir, le savoir-faire, le savoir-être. <<L'intégration des apprentissages commande des objets d'apprentissage, fait remarquer Yves Lenoir. Il faut des disciplines scolaires, des contenus institués. Ce qui n'exclut évidemment pas que des processus cognitifs fassent aussi l'objet d'un apprentissage à l'école. Mais on ne peut apprendre à apprendre qu'en apprenant, à mon avis.>>

Le pourquoi de la matière

Aujourd'hui une figure de proue en ce qui concerne l'interdisciplinarité, Yves Lenoir considère que la réflexion du corps enseignant devrait porter tant sur le pourquoi des matières que sur les aspects didactiques et pédagogiques. <<Il m'apparaît fondamental de se demander les raisons pour lesquelles on enseigne, par exemple, le français, les mathématiques, les sciences de la nature, de réfléchir sur le sens même de ces matières. Une fois qu'on a répondu à la question, on peut utiliser le contenu de manière à concevoir des situations d'apprentissage interdisciplinaire plus riches de sens, à visée intégratrice, et des modalités d'évaluation plus pertinentes. Il s'agit ici de l'aspect didactique qui est central et qui assure une fonction médiatrice entre la structure du cursus et l'actualisation pédagogique en classe.>>

La préoccupation d'Yves Lenoir quant au problème de l'interdisciplinarité l'a amené, en 1991, à former un groupe de recherche, le Laboratoire de recherche interdisciplinaire en didactique des disciplines. Ce groupe, dirigé par Philippe Jonnaert, professeur à la Faculté d'éducation, compte 11 professeurs de la Faculté d'éducation, de la Faculté des sciences ainsi que de la Faculté d'éducation physique et sportive.

À la faveur d'une proche année sabbatique, Yves Lenoir se propose d'écrire un livre théorique sur l'interdisciplinarité scolaire et un second sur sa mise en application. Question de mieux préparer le terrain encore...

Daniel Morin

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Figure de proue en ce qui concerne l'interdisciplinarité scolaire, Yves Lenoir, vice-doyen à la Faculté d'éducation, considère que la réflexion du corps enseignant devrait porter tant sur le pourquoi des matières que sur les aspects didactiques et pédagogiques.