Carnets de voyage (I)

Il se tire une merveilleuse clarté, pour le jugement humain, de la fréquentation du monde. Nous sommes tous contraints et amoncelés en nous, et avons la vue raccourcie à la longueur de notre nez.

Montaigne

Les Essais

Le désir de reculer les frontières du monde connu pour ouvrir de nouveaux territoires à l'imagination, montrer la relativité des cultures et aplanir les différences entre les nations a donné lieu au fil de l'histoire à d'innombrables ouvrages de l'esprit - récits, dessins, gravures, peintures - où l'exactitude du compte-rendu et la précision de l'analyse le disputent à la fantaisie et à l'invention.

Au milieu du XIXe siècle, la photographie ouvrira de nouvelles perspectives dans la représentation de la diversité du monde : pour la première fois dans l'histoire du progrès humain, il est possible de fixer sur une feuille de papier, de façon permanente, sans autres intermédiaires que la lumière et la chimie, les empreintes de la Nature. Dès ses origines, la photographie participera à la constitution rapide d'un inventaire visuel approfondi du patrimoine de l'humanité. Artistes, scientifiques et voyageurs vont mettre à profit son pouvoir descriptif pour comprendre les civilisations du passé, célébrer la beauté et la majesté des hauts lieux de l'histoire et conserver, pour la postérité, les monuments menacés de ruine par l'action du temps et les exactions des hommes.

Si le désir de transparence qui animait les photographes du siècle passé semble trouver un écho chez plusieurs praticiens actuels, les valeurs qui informent des productions de ces derniers diffèrent sensiblement. Tant le créateur que le spectateur ne peuvent plus souscrire aveuglément à la croyance en l'équivalence parfaite du monde et de ses représentations. L'univers des images est un terrain miné, encombré des connaissances acquises qui définissent les critères de goût, colorent les jugements esthétiques et gouvernent la conduite des individus. Le photographe se doit de composer avec elles, soit en les acceptant, en les corrigeant ou en les remettant en cause.

Les photographies de Richard Baillargeon, Robert Bourdeau, Geoffrey James et Ian Paterson seront exposées dans le Hall du Pavillon central du 6 juillet au 7 septembre