Jean-Herman Guay et ses étudiants sur le terrain

Le politicologue Jean-Herman Guay, du Département d'histoire et de sciences politiques, a eu une session d'automne très occupée. Accompagné d'une quinzaine d'étudiantes et d'étudiants inscrits au certificat en sciences politiques, il a réalisé, sur le territoire québécois, une méga-enquête portant sur la génération XYZ, c'est-à-dire les jeunes de 18 à 35 ans.

Qu'est-ce qu'une enquête de ce genre a de particulier? Une innovation pédagogique très audacieuse et profitable autant pour les étudiantes et étudiants que pour leur professeur.

Le certificat en sciences politiques propose un cours de méthodologie à la recherche. <<L'enseignement traditionnel de la méthodologie soulève rarement l'intérêt des étudiantes et des étudiants. Ils trouvent peu pertinent ce cours au contenu trop technique. Le savoir acquis pendant la session est souvent évacué et oublié une fois les crédits obtenus>>, admet Jean-Herman Guay.

Le côté innovateur relevé cette fois tient dans l'aspect pratique avec lequel Jean-Herman Guay et ses étudiantes et étudiants ont abordé la méthodologie de la recherche. <<Il est évident que tout le monde met plus d'efforts lors de la participation à un projet commun, poursuit le professeur. Ce qui est primordial, c'est que les gens retiennent beaucoup plus de matière et de savoir-faire dans ce genre d'approche.>>

Ancien sondeur pour des partis politiques, Jean-Herman Guay se souvient d'avoir compris ce qu'était la population lors d'un sondage qu'il a réalisé en 1979. Le fait de parler aux gens, de créer des contacts, de poser des questions facilite la compréhension des principes de méthodologie d'une recherche. Jean-Herman Guay soutient que nous apprenons davantage lorsque nous faisons partie d'un processus en tant qu'acteur plutôt qu'assimilateur d'information.

Apprendre sur le terrain

Le point de départ de cette enquête a été sans aucun doute les événements du 24 juin 1996 alors que plus de 2000 jeunes ont attaqué des commerces et l'édifice de l'Assemblée nationale à Québec. À partir de cette soirée bouleversante, Jean-Herman Guay s'est demandé ce qui avait bien pu motiver les jeunes à agir ainsi un soir de fête nationale.

<<Ce sont les 15 étudiantes et étudiants du cours qui ont défini le sujet de l'enquête, établi progressivement les paramètres et effectué la cueillette des données>>, explique-t-il. La méga-enquête s'est déroulée du 25 octobre au 17 novembre 1996 auprès de 900 répondants à travers le Québec. Cet échantillonnage, déterminé de façon aléatoire, était composé de jeunes francophones âgés de 18 à 35 ans.

Les étudiantes et étudiants de l'Université de Sherbrooke ont formulé 50 questions qu'ils ont posées par la suite au cours d'un sondage téléphonique d'une quinzaine de minutes. <<Chacun de nous devait remplir 50 questionnaires. Ce travail représentait beaucoup d'appels, car ce n'est pas tout le monde qui était intéressé à répondre>>, fait remarquer Charles Vincent, un étudiant ayant participé à l'enquête. Le but fixé d'obtenir 900 répondants a été atteint un mois avant la fin de la session. Les tâches de compilation ne faisaient plus qu'attendre...

Beaucoup de domaines ont été effleurés afin de connaître les opinions de la jeunesse francophone québécoise, mais le style des questions pointait précisément la pensée paradoxale des jeunes. Pourquoi les jeunes sont-ils en colère ou parfois très passifs? Pourquoi leur révolte est-elle momentanée (le 24 juin 1996) et souvent individualisée (le suicide)? Que pensent-ils du droit à l'avortement, de l'euthanasie, de la peine de mort, du niveau de crédibilité et de confiance des institutions gouvernementales, juridiques, des médias, de la spiritualité face au mariage, de la fréquentation des églises, du baptême, des idéologies politiques?

<<Les résultats obtenus sont très représentatifs de ce que pensent les jeunes étant donné que nous avions une marge d'erreur de 3 p. 100, 19 fois sur 20>>, indique Jean-Herman Guay.

Quelques données recueillies :

89 p. 100 des jeunes sont pour le droit à l'avortement;

80 p. 100 pour le droit à l'euthanasie;

67 p. 100 pour la peine de mort;

50 p. 100 ont confiance aux médias;

62 p. 100 ont confiance au corps policier;

18 p. 100 ont confiance au gouvernement fédéral;

36 p. 100 ont confiance au gouvernement provincial;

6 p. 100 se rendent régulièrement à l'église;

37 p. 100 sont mariés ou se marieront religieusement;

80 p. 100 ont fait ou feront baptiser leurs enfants.

<<Cette recherche m'a aussi permis de valider l'hypothèse que les étudiantes et les étudiants préfèrent être actifs plutôt que passifs, qu'ils préfèrent travailler à un projet global qu'à des exercices imposés>>, conclut Jean-Herman Guay. On pourra lire les résultats de l'enquête dans un numéro spécial de la revue Lèse-majesté au mois de mars.

Laetitia Tremblay

Vignette

Charles Vincent, Martin Léveillée, Stéphane Fontaine, Mathieu Brosseau et Philippe Dumesnil font partie du groupe d'étudiants qui ont participé à la méga-enquête.