Études et bébés

Une épreuve d'endurance

Une enquête feed-back réalisée auprès des parents-étudiants de l'Université démontre que le cocktail étudeS-enfant peut occasionner des maux de tête même au jeune le plus optimiste. Si on savait déjà que concilier études et travail demandait de l'endurance, la lecture du rapport de l'enquête prouve hors de tout doute que mener des études tout en élevant de jeunes enfants exige de l'endurance, de la patience, de l'organisation, de la tolérance, un bon sens de l'humour, de l'imagination, de la détermination... la liste est longue.

Cette étude, menée par Nathalie Roy et Julie Therrien, deux finissantes au baccalauréat en psychologie, avait pour objet de connaître les besoins de cette population et de vérifier l'adéquation entre les besoins et les services offerts à l'Université, surtout ceux du Service de développement communautaire.

L'enquête conduite en collaboration avec le Service d'animation et d'aide financière a été réalisée de décembre 1995 à avril 1996. Les étudiantes et étudiants interrogés étaient inscrits sur la liste des Prêts et Bourses du gouvernement du Québec pour l'année 1995-1996 et identifiés comme parents ayant à leur charge au moins un enfant de moins de 18 ans.

Dans un premier temps, les jeunes chercheuses ont inventorié les besoins des parents-étudiants de l'Université afin de pouvoir proposer des pistes d'action. À l'aide d'un questionnaire posté à 250 étudiantes et étudiants, Julie et Nathalie ont tenté de cerner la réalité de parents dans un milieu universitaire. Les besoins des parents-étudiants en soutien social, leur situation financière ainsi que leur connaissance des ressources disponibles ont également été recensés.

<<Sur un nombre de 250 questionnaires, le taux de réponse a été de 42,8 p. 100, ce qui représente un pourcentage appréciable, souligne Julie Therrien. Parmi les répondants, pour la plupart du 1er cycle, près de 90 p. 100 sont des femmes. Cette disproportion entre les deux sexes peut s'expliquer par le fait que le gouvernement du Québec, lors du calcul des Prêts et Bourses, octroie la charge de l'enfant à la mère plutôt qu'au père. De ce nombre, plus de la moitié sont chefs de famille monoparentale.

Parents aux études

Les parents-étudiants en ont long à dire sur les principales mesures qui faciliteraient leur situation. Près de 65 p. 100 d'entre eux souhaiteraient prendre entente avec les professeures et professeurs sur les dates d'échéance des évaluations. Plus de la moitié, soit 58,7 p. 100, aimeraient pouvoir travailler seuls plutôt qu'en équipe et 52,9 p. 100 avoir la possibilité de choisir entre divers modes d'évaluation.

<<D'autre part, les répondants ont fait ressortir que les examens ne reflètent pas leur compréhension de la matière puisqu'ils sont plutôt axés sur l'habileté à apprendre le contenu des cours par coeur, ajoute Nathalie Roy. Les parents-étudiants estiment donc être désavantagés lors des évaluations, faute de temps à consacrer à ce genre d'étude. C'est pourquoi la suggestion d'avoir la possibilité de choisir entre divers modes d'évaluation comme l'examen, le travail écrit ou la présentation orale a reçu beaucoup d'appui.>>

La question traitant de la réceptivité des professeures et professeurs a révélé des résultats et des commentaires contradictoires. En effet, 51 p. 100 des répondants considèrent que les professeures et professeurs sont réceptifs à leur situation de parent-étudiant contre 25 p. 100 d'avis contraire. Les commentaires recueillis touchent entre autres la flexibilité des échéanciers ainsi que l'attitude du corps enseignant et du personnel de soutien.

<<Certains parents-étudiants se sentent abaissés par les professeurs, poursuit Julie. Les échéanciers sont rarement souples, les évaluations ne sont pas reprises ou adaptées, les raisons familiales ne constituent pas toujours des motifs valables à l'absentéisme et l'horaire des cours, 16 h - 19 h et 19 h - 22 h, concorde difficilement avec le leur. Pour ces raisons, certains répondants trouvent difficile de suivre le rythme des études universitaires, ce qui, selon eux, peut porter au décrochage.>>

Stages et conflit d'horaire

<<À la question traitant des difficultés liées aux stages, déclare Nathalie Roy, les principaux obstacles relevés concernent les conflits d'horaire, les exigences liées aux stages ou au système coopératif, les responsabilités familiales et le temps.>>

Les étudiantes et étudiants interviewés trouvent insuffisant d'accorder seulement 12 crédits pour un stage à temps plein. Selon eux, l'effort investi vaut plus. Ils jugent trop lourde également, l'obligation de suivre plus de cinq cours par session pour aller ultérieurement en stage. Les étudiants-parents ont ajouté que des stages intensifs en fin d'année ou à la fin du baccalauréat sont insuffisants pour approfondir les apprentissages réalisés en cours d'année. Ces stages devraient donc être faits le plus tôt possible à l'intérieur du programme d'études. Les étudiants-parents préféreraient un horaire de quatre jours de travail plutôt que cinq ou avoir la possibilité de négocier leur horaire de stage.

Les principaux problèmes identifiés en rapport avec les stages sont les frais de logement, lorsque les stages sont à l'extérieur de la région, ainsi que la difficulté de trouver une gardienne. Heureuse nouvelle toutefois, certaines facultés ont déjà adopté comme priorité d'accorder des stages en région à ceux et celles qui ont des enfants.

Stress ou détresse?

Il faut bien le reconnaître, la situation particulière des jeunes parents leur cause un certain degré de stress que l'enquête a situé sur une échelle de 4. Voici une énumération des facteurs les plus générateurs de stress :

- Diminution de la vie sociale : 4,00

- Cours, travaux et évaluations : 3,90

- Temps restreint : 3,50

- Planification du budget : 3,35

- Réponse aux besoins du ou des enfants : 2,85

- Fréquentation du milieu universitaire où l'excellence et la performance sont prônées : 2,83

- Situation de parent-étudiant à l'Université : 2,49

- Compétition entre étudiants : 2,06

La planification du budget venant en quatrième position dans l'échelle des situations stressantes, leur situation financière est préoccupante pour les étudiants-parents qui ont souvent plusieurs bouches à nourrir. <<Près de la moitié des répondants ont un revenu familial de moins de 15 000 $, souligne Nathalie. De façon générale, ils affirment que leur revenu actuel répond de façon peu ou très peu satisfaisante à leurs besoins.>>

Pour améliorer la situation

Il existe peu de services s'adressant spécifiquement aux parents-étudiants de l'Université de Sherbrooke. Plusieurs suggestions ont été proposées par les personnes interviewées. Certaines d'entre elles sont facilement réalisables.

Concernant les services à instaurer à l'Université, les suggestions qui ont reçu le plus d'appui sont la halte-garderie, le jumelage entre étudiants au moment de l'admission (parrainage) et les ateliers-conférences sur l'heure du midi, moment qui favoriserait leur taux de participation.

<<Le comité consultatif du Programme d'accès à l'égalité a été saisi du projet d'un service de halte-garderie, souligne Lise Grenier, coordonnatrice du Service de développement communautaire. Nous avons convenu de ne pas donner suite au projet. Dans le contexte actuel et considérant le nombre limité d'étudiantes et d'étudiants ou de membres du personnel qui utiliseraient ce service, nous avons plutôt suggéré d'utiliser des ressources situées à proximité de l'Université.

<<Dans le cadre des idées d'actions réalisables, la principale suggestion est la mise sur pied d'une Association des parents-étudiants de l'Université de Sherbrooke (APEUS), qui travaillerait de concert avec l'Association des familles monoparentales de l'Université de Sherbrooke. Ceci aiderait les membres à créer un réseau de soutien et avoir plus de poids face aux facultés et aux professeures et professeurs, explique Nathalie Roy. L'association défendrait les droits des parents-étudiants, ce qui protégerait ces derniers de comportements discriminatoires. L'APEUS en profiterait également pour sensibiliser les facultés aux problèmes que peuvent vivre les jeunes parents.>>

En ce qui concerne les services déjà en place, une seule suggestion a été apportée sur les sessions de techniques d'étude et de gestion du temps. Idéalement, ces sessions devraient être offertes surtout à la fin de l'été et en tout début de trimestre.

Hélène Goudreau

Vignettes

1- Julie Therrien et Nathalie Roy, finissantes au baccalauréat en psychologie, présentent à Lise Grenier, coordonnatrice du Service de développement communautaire, les résultats d'une enquête qu'elles ont menée auprès des étudiants-parents de l'Université.

2- Être aux études et s'occuper d'un jeune enfant, une réalité vécue par plusieurs étudiantes et étudiants de l'Université.

3- Les étudiants-parents apprécieraient plus de souplesse de la part du corps professoral quand ils doivent s'absenter à cause d'un enfant malade.

4- En général, les étudiantes et étudiants font preuve de solidarité envers leurs condisciples qui ont de jeunes enfants. Ils s'adaptent souvent à leur disponibilité restreinte lors des travaux ou de certaines activités scolaires.