Enseigner toute une vie

À eux trois, ils cumulent plus de 100 ans d'enseignement. Une même passion les anime, l'amour qu'ils ont pour leur métier... et pour leurs élèves.

<<Je les aimais!>>, déclare Jacques Bazinet quand on lui demande sa recette pour avoir suscité tant d'admiration et d'estime de la part de ses élèves. <<Dans les premières années de mon enseignement, en 1957-1958, le problème le plus grand que je rencontrais, ou à tout le moins ce que je considérais comme essentiel, c'était de donner à mes élèves une matière assez riche. Avec le temps, j'ai réalisé l'importance des relations humaines, et mes étudiantes et étudiants sont devenus un peu mes enfants.>>

Professeur au Département de mathématiques et d'informatique, Michel Constantin a pris sa retraite récemment, tout comme ses collègues Jacques Bazinet et Maurice Brisebois. <<Je me rappelle mes débuts, il y a 35 ans, quand la structure était plus souple. On pouvait changer les programmes plus rapidement et plus facilement.>> Michel Constantin quitte ce ton nostalgique quand il aborde un sujet qui le passionne : les étudiantes et les étudiants.

<<J'ai toujours tenu à enseigner en première année du baccalauréat, dit-il. Les jeunes n'ont pas de préjugés, ils sont prêts à accepter notre façon d'aborder la matière. Je ne crois pas que j'étais un professeur ennuyeux. Ce que j'aimais le plus dans ma tâche, c'était et ça a toujours été l'enseignement.>>

Cesse-t-on un jour d'être professeur? Quitte-t-on jamais le monde de l'apprentissage? Pour Maurice Brisebois, la coupure se fera en douceur puisqu'il se retrouvera bientôt dans une autre classe que la sienne, dans la position cette fois de l'élève. <<Je retourne aux études pour entreprendre un doctorat en éducation et je ferai probablement partie d'un groupe de recherche.>> Lorsqu'on lui demande si les étudiantes et étudiants ont changé en 30 ans, Maurice Brisebois répond : <<Le professeur est encore sur un piédestal car il possède la connaissance. Cette situation maintient une certaine forme de pouvoir, une violence pédagogique, contre lesquels je m'insurge encore après 34 ans dans l'enseignement.>>

Enseigner durant 35 ans et reconnaître dans le petit nouveau de première année du baccalauréat le père ou la mère à qui on a enseigné 20 ans plus tôt les mêmes mathématiques, cela donne un coup de vieux... ou un coup de jeune, c'est selon. Jacques Bazinet se sentait rajeunir quand il croisait un regard connu auquel sa mémoire infaillible ajoutait vite un nom.

<<Tout au long de sa vie, l'homme conservera à ses premiers maîtres la fidélité du souvenir>>, a dit le philosophe Georges Gusdorf. Michel Constantin, Jacques Bazinet et Maurice Brisebois font partie de ces professeurs qu'on n'oublie pas.

Hélène Goudreau

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Jacques Bazinet, Maurice Brisebois et Michel Constantin, professeurs au Département de mathématiques et d'informatique de la Faculté des sciences, ont pris leur retraite récemment.