Pourquoi j'ai accepté de présider le Comité de la campagne

Il serait plus facile de répondre à la question : Pourquoi n'ai-je pas refusé? Lorsque monsieur le Recteur m'a demandé de présider le Comité de la campagne pour la communauté universitaire, mon premier mouvement a été de fuir. Je n'ai aucune expérience de ce genre d'activités et je ne place pas les relations publiques parmi mes points forts. Pourquoi n'ai-je pas refusé? La réponse est simple : je n'ai trouvé aucune raison valable de le faire.

J'ai accepté d'abord parce que j'éprouve un fort sentiment d'appartenance à l'Université de Sherbrooke. J'y suis venu en quittant la pratique privée, il y a déjà 25 ans, parce qu'on me proposait un défi : constituer une équipe de praticiens-chercheurs pour créer des programmes de formation professionnelle dans le domaine de la psychologie.

J'ai trouvé à l'Université de Sherbrooke le milieu idéal pour concilier mes trois intérêts majeurs sur le plan professionnel : la pratique, la formation de praticiennes et de praticiens et la recherche en sciences de l'intervention. J'ai apprécié que l'Université de Sherbrooke soit suffisamment grande pour y trouver toutes les composantes d'un milieu universitaire intellectuellement stimulant et suffisamment petite pour y maintenir des liens de convivialité. Dans mon secteur d'activité, c'est la seule université québécoise où formation professionnelle et recherche sont complètement intégrées.

J'ai accepté aussi parce que c'est l'occasion d'exprimer ma reconnaissance à tous les membres de la communauté universitaire qui me fournissent des conditions de travail exceptionnelles : les étudiantes et étudiants qui, d'année en année, m'aident à aller plus loin dans la maîtrise de ma discipline; le personnel de soutien, dont la compétence me permet de poursuivre de nombreuses tâches administratives et différents services à la collectivité sans devoir mettre de côté mes projets de recherche; mes collègues syndiqués qui m'apportent, à travers les conventions collectives, de bonnes conditions de travail - par exemple, le financement de trois années sabbatiques - et cela dans un climat de relations de travail serein; les administratrices et administrateurs qui respectent un employé qui, plus souvent qu'à son tour, leur demande de <<faire des choses pour la première fois>>.

Je crois aussi que, pour maintenir leur rôle central dans le développement de notre société, les universités ne peuvent plus compter uniquement sur les fonds publics et les frais de scolarité. La prise en charge collective, amplifiée par les ressources de la philanthropie, fait partie des modes de financement que nous devons nous donner.

Enfin, une fois dissipé le goût de fuir, j'ai trouvé dans cette entreprise l'occasion de vérifier une de mes convictions les plus profondes : n'importe quelle situation peut devenir une source d'actualisation pour une personne capable de faire des choix personnels. Une campagne de financement crée inévitablement des pressions dont la plupart d'entre nous aimeraient bien être exemptés; rares sont ceux qui bondissent de joie lorsqu'on vient les solliciter.

En conséquence, j'ai posé deux questions à monsieur le Recteur avant d'accepter : Croyez-vous qu'il y a dans l'ensemble de la communauté universitaire un fort sentiment d'appartenance? Acceptez-vous que la campagne soit d'abord une invitation à faire un choix personnel excluant toute pression incompatible avec cette priorité? J'ai reçu deux réponses affirmatives. Il en est résulté le thème actuel : Choisir de donner. La campagne, à mon avis, deviendra un test collectif pour évaluer le sentiment d'appartenance de l'ensemble de la communauté universitaire.

Sans un tel sentiment d'appartenance, on donnerait uniquement pour se débarrasser d'un solliciteur importun; l'Université pourrait en sortir un peu plus riche, mais toute la communauté universitaire y perdrait en fierté. Je ferai tout en mon pouvoir pour que l'on choisisse de donner, ou de ne pas donner. Si le sentiment d'appartenance a été bien évalué, je m'attends à ce que le nombre de donatrices et donateurs constitue un nouveau record dans le domaine des campagnes universitaires.

Yves Saint-Arnaud