Réaction au sujet de l'édifice Georges-Cabana

Cette lettre a été adressée au recteur Pierre Reid. LIAISON la publie à la demande de son auteur.

En hommage à son fondateur, l'Université de Sherbrooke se propose d'appeler un de ses pavillons : Georges-Cabana.

L'ancien archevêque de Sherbrooke prit l'initiative de créer un comité de travail, composé de quatre citoyens éminents, dont il fut l'âme dirigeante. Sans son audace, à cette époque, ses nombreuses démarches et sa ténacité, l'Université, qui fait la fierté de Sherbrooke et de notre région, n'existerait pas. Il fut non pas l'un mais le fondateur de cette institution. Je puis attester de ces faits car, avec le juge Gaston Desmarais, le seul survivant du comité initial, j'en demeure un témoin immédiat.

Dernièrement, dans une lettre reproduite dans le journal LIAISON, un groupe de professeurs s'objecte à cette appellation <<en raison, prétendent-ils, des nombreuses valeurs rétrogrades auxquelles cet évêque est associé dans notre société et en totale contradiction avec les valeurs libérales aujourd'hui véhiculées dans le monde universitaire>>. Si pareil jugement est exact, on peut se demander comment l'idée de créer une université a pu jaillir dans son esprit. Mais tel n'est pas mon propos.

Quel lien peut-il exister entre la pensée religieuse et doctrinale de Mgr Cabana et le geste créateur posé par lui en fondant une université ouverte à l'enseignement de toutes les sciences humaines, notamment le droit, la médecine, les sciences diverses, la littérature, la théologie et l'histoire que se plaisent, sans doute, à enseigner les opposants. Parce qu'une personne ne partage pas nos principes religieux ou politiques, quels que soient les services rendus à la société, doit-on rayer son nom au mépris de l'histoire?

À ce compte, tout adversaire politique de Johnny Bourque, Jean Lesage, René Lévesque, pour ne nommer que ceux-là, pourrait
exiger qu'on efface leur nom des grandes voies routières qui les identifient et nous rappellent leur dévouement. L'appellation d'un ouvrage public est simplement un acte de reconnaissance, non une invitation à imiter ou à suivre la doctrine de celui dont le nom s'impose.

C'est sans hésitation, Monsieur le Recteur, que j'invite, avec bienveillance, les autorités de l'Université à ajouter aux noms déjà utilisés de Johnny-Bourque, Albert-Leblanc, Maurice-O'Bready, celui de Georges-Cabana, le fondateur de l'Université de Sherbrooke, pour désigner votre pavillon central. N'a-t-on pas déjà trop tardé?

Carrier Fortin, c.r.