Conte enneigé

Il y a de cela peu de temps, très peu de temps, alors qu'ici et là, les feux de Noël scintillaient encore, que la dinde fumait et que les tourtières doraient au four, vivaient, dans un immense édifice juché sur une colline de neige et de glace, des hommes et des femmes. Alors que l'année s'étirait, à la lueur du jour, ils évaluaient, comptaient, corrigeaient, estimaient, notaient, écrivaient, soupiraient.

Ensemble, ils constataient avec tristesse ce qui n'était déjà plus : l'automne, l'amitié, la jeunesse. Avec quelque chose comme un léger sourire de nostalgie, ils se regardaient sans surprise et sans étonnement, quand soudainement, un être ni chauve ni chevelu surgit devant eux, le visage visiblement boursouflé de plaisir. Cet être étrange portait ce qui ressemblait à un pantalon fuseau, à des ballerines et à une veste bigarrée aux parfums séducteurs. Dans la main droite, il y avait quelque chose qui n'était pas sans rappeler un roseau, à moins que ce ne fût une branche d'olivier! Peut-être y avait-il même sur le coin gauche de l'épaule une colombe... Qu'importe! Ce qui est certain, c'est que cet être n'avait la taille ni d'une naine, ni d'un gnome, ni d'un lutin. En fait, cette forme étrange, sortie on ne sait d'où, n'appartenait à aucune espèce connue puisque sa peau n'était ni rouge, ni jaune, ni blanche, ni noire, ni bleue, ni brune. En fait, ce personnage avait plutôt la couleur du temps, grise, verte ou mauve, selon les rires du moment ou les cris des enfants.

On l'entendit soudainement s'esclaffer, puis rire... rire... rire sans doute de bonheur tant le vent était doux, le soleil orangé et la neige rosée. On vit des flammèches sortir de ses yeux pour disparaître aussitôt dans quelque chose qui ressemblait à un carquois ou une besace.

C'est sans doute à cet instant précis, alors que les hommes et les femmes regardaient cet être inattendu, imprécis, voire inconnu que lentement, très très lentement, ils se mirent à applaudir avec force et frénésie cette nouvelle année, qui en douce s'installait, entre hier et demain.

Suzanne Pouliot

Faculté d'éducation