À l'aube d'une mutation de l'université

Les dix prochaines années transformeront le monde universitaire occidental d'une fa&c cedil;on radicale, dans une sorte de mutation que ne laissait pas entrevoir le développement accéléré des universités québécoises depuis 30 ans. Livres, essais, conférences et articles annoncent unan imement une vaste remise en question de l'université telle que nous la connaissons, dans son organisation interne comme dans sa relation avec la société, dans les statuts et privilèges de son personnel comme dans la défi nition et l'expression de sa mission.

Qui peut prétendre aujourd'hui connaître le résultat de cette remise en question et la nature de l'université de demain? Les bouleversements s'annoncent considérables, mais imp ossibles à prédire formellement. Comment, dans ce contexte, établir les programmes de développement et de fonctionnement de l'Université de Sherbrooke, notamment les programmes budgétaires? Le Conseil d'administra tion a choisi une approche en deux phases pour faciliter la mutation de notre établissement au cours des années qui viennent. La première, obligatoire devant l'urgence d'absorber des compressions budgétaires, a consisté à élaborer des plans de redressement sur deux ans et à préparer ce budget 1995-1996 marqué par la gestion de la décroissance. Cette opération budgétaire a été caractérisée par le souci constant de maintenir un maximum d'avenues ouvertes en vue de la seconde phase, celle de la restructuration, où l'ensemble de notre mode de fonctionnement administratif et académique sera remis en question.

Le budget 199 5-1996 cherche à préserver l'équilibre budgétaire de l'établissement, à garder très bas le niveau d'un déficit accumulé qui semble inévitable, et à éviter de figer des pos itions et des structures organisationnelles qui, nécessairement, devront évoluer au cours des années à venir, tant du côté de l'administration de l'Université que de celui de toutes ses catégories dep ersonnel. Si les compressions budgétaires annoncées se sont faites sur la base des budgets respectifs des différentes unités administratives, il doit cependant être bien compris que la poursuite et l'atteinte de l'é ;quilibre budgétaire ne pourront s'accomplir qu'à partir de paramètres différents, basés sur la participation effective de chacune des unités administratives à la fois à la dimension enseignement et à la dimension recherche de notre mission. De coupures horizontales, nous devrons passer à des choix verticaux que seule pourra permettre une réflexion majeure de restructuration de l'ensemble.

Je confirme aujourd'hui qu'une va ste opération de restructuration académique et administrative sera entreprise dès l'été 1995. Le fil conducteur et l'élément moteur de cette restructuration seront la mission de l'Université dans ses deux volets d'enseignement et de recherche, sur une toile de fond stratégique bien documentée dans le document Paver la voie à l'initiative. Toute la réorganisation de la gestion académique et administrative sera subordonnée à la mission de l'Université et modulée par ses orientations structurantes. En conséquence, et vu l'importance vitale de cette opération, j'ai décidé de la placer directement sous ma res ponsabilité, et d'y associer en première ligne les deux vice-recteurs les plus directement responsables du respect de la mission de notre établissement, le vice-recteur à l'enseignement et le vice-recteur à la recherche. Cette opération s'inscrit dans la continuité de la réflexion stratégique de l'an dernier, mais doit conduire à des actions et à des décisions stratégiques dont les conséquences toucheront &ag rave; l'essence, à la survie de notre établissement, et à sa capacité de jouer un rôle majeur plutôt qu'un rôle marginal dans la société.

Entre-temps, la situation budgétaire pr&eac ute;visible pour l'année 1996-1997 et les délais d'un an imposés par les conventions collectives conduisent dès maintenant à l'annonce de la fermeture d'un nombre important de postes de professeures ou de professeurs, do nt un grand nombre malheureusement sont occupés par des professeures ou des professeurs en probation. C'est in extremis que l'Université s'est soumise à cette opération, reconnaissant dans ses jeunes professeures et prof esseurs une relève exceptionnelle, qui commence déjà à faire ses preuves et qui est essentielle pour lui permettre de relever les énormes défis auxquels elle fera face, comme toutes les autres universités d u Québec et d'Amérique. C'est pour cette raison que la direction de l'Université va tout mettre en oeuvre au cours de la prochaine année pour éviter que la diminution du nombre de postes ne se traduise par des dép arts de professeures ou de professeurs en probation malgré l'annonce qui en est faite, et elle invite le reste de la communauté universitaire à partager sa préoccupation et sa détermination.

Dans l'optique de la r estructuration à venir, le budget 1995-1996 préserve, malgré un solde déficitaire, les réserves consacrées à la recherche et aux études avancées en recherche au niveau du budget initial de l'a nnée précédente, et il augmente de façon substantielle les réserves consacrées à l'enseignement. Cette décision de la direction et du Conseil d'administration peut être interprété e comme une indication claire de la nature des priorités qui présideront à l'opération de restructuration. En particulier, la qualité de l'enseignement et de la recherche, de même que la qualité de la contri bution à l'enseignement et à la recherche devront être garanties par les nouvelles structures académiques, organisationnelles et budgétaires. Il est clair que, dans un tel contexte, la contribution de tout le personnel &a grave; l'accomplissement de la mission devra être mesurée et reconnue, en particulier celle des membres du corps professoral. La conjoncture impose aux universités d'Amérique du Nord de donner un coup de barre du côt&eacut e; de l'enseignement et l'Université de Sherbrooke doit s'y engager à fond. Mais qu'on ne s'y trompe pas : la conjoncture de l'Université de Sherbrooke lui impose aussi de promouvoir ses programmes d'études en recherche et de s outenir vigoureusement ses chercheuses et ses chercheurs reconnus dans toutes ses disciplines.

Aucun budget n'est agréable en période de compressions budgétaires majeures. Mais ce budget a été préparé ; sur la base de la participation de la communauté universitaire notamment à l'occasion de la préparation des plans de redressement. Il est le résultat de l'initiative de centaines de personnes à tous les niveaux, et &ag rave; ce titre, ses chances de succès sont à la mesure de la contribution et des espoirs de toute la communauté universitaire.

Le recteur,

Pierre Reid