Intégrité en matière de recherche

Au coeur du quotidien

Parler d'intégrité en matière de recherche universitaire peut, de prime abord, sembler un peu abstrait. On parle d'une vertu, de morale, d'honnêteté et de justice, tous des concepts difficilement palpables. Pourtant, la question de l'intégrité en matière de recherche se situe au coeur du quotidien. Il se prend chaque jour des décisions où les questions d'intégrité et de morale entrent en jeu, que ce soit à propos de la paternité d'un article, de l'attribution des tâches au sein d'une équipe ou de la façon de superviser une étudiante ou un étudiant.

Pendant deux jours, à la fin novembre, un colloque organisé par le Conseil de recherches en médecine, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada en collaboration avec l'Association des universités et collèges du Canada a réuni à Toronto quelque 170 personnes, professeures et professeurs, étudiantes et étudiants, attachées et attachés de recherche, stagiaires postdoctoraux, etc. Ce colloque avait pour thème L'intégrité dans la recherche et les travaux d'érudition - Une responsabilité collective. Son objectif principal était d'établir des principes, des lignes directrices et des mécanismes pour favoriser un comportement intègre de la part des personnes actives en recherche.

Des exemples? Une jeune professeure qui n'a pas encore obtenu sa permanence est pressentie pour examiner avant publication le manuscrit d'un article pour le compte d'une prestigieuse revue. Elle est persuadée que cette collaboration pourrait l'aider à obtenir sa permanence, mais elle est actuellement débordée de travail. Peut-elle faire appel à un étudiant au doctorat pour réviser l'article, quitte à procéder à une rapide vérification avant de signer le formulaire?

Est-il correct pour sa collègue de photocopier une demande de subvention particulièrement réussie à laquelle elle a accès parce qu'elle siège à un jury, et de la présenter comme exemple à ses étudiantes et étudiants en méthodologie de la recherche, en ayant eu soin précédemment d'effacer les renseignements susceptibles de permettre d'identifier le chercheur ou la chercheuse?

Quelle attitude doit adopter un professeur lorsque les résultats de ses recherches ne vont pas dans le sens des hypothèses qu'il avait posées? Doit-il en informer le conseil qui lui a octroyé la subvention? Cela même s'il est sur le point de faire une demande de promotion et que sa carrière pourrait en souffrir?

Se doter de nouvelles règles

Des situations récentes ont attiré le regard des médias, ce qui a amené le public à s'interroger à propos de l'intégrité des chercheuses et chercheurs et de l'efficacité des mécanismes mis en place pour assurer cette intégrité. Il est vrai que le contexte est difficile et que la pression exercée sur celles et ceux qui font de la recherche est énorme. La compétition est féroce entre les universitaires. De plus en plus de gens se disputent des subventions de plus en plus rares. L'engagement, la promotion et l'accession à la permanence sont reliés à la quantité de subventions obtenues et d'articles publiés. Dans ce contexte, quels mécanismes et quelles politiques doit-on adopter pour assurer l'intégrité? La question est fort complexe.

Les 170 participantes et participants au colloque L'intégrité dans la recherche et les travaux d'érudition sont pourtant, en deux jours, parvenus à certains consensus. D'abord, il faut que les institutions et les conseils subventionnaires fassent chacun leur part pour assurer l'intégrité. Les universités et instituts de recherche doivent dans un premier temps démontrer clairement leur détermination à ce que la recherche et l'ensemble des études supérieures respectent les plus hauts standards d'intégrité. Ils ne doivent tolérer aucun écart de conduite et se doter de programmes d'éducation et de prise de conscience quant à l'importance de l'intégrité. Les institutions doivent en parallèle se doter de politiques claires concernant les conditions imposées aux chercheuses et chercheurs qui désirent associer des étudiantes et étudiants à leur recherche, les règles à respecter pour la recherche contractuelle, la création d'entreprises, la propriété intellectuelle, l'utilisation des ressources de l'université, les relations de pouvoir, etc. Une fois ces standards établis, les professeures et professeurs, les étudiantes et étudiants ainsi que l'ensemble du personnel de recherche devront en prendre connaissance et signer une déclaration les engageant à les respecter.

Les participantes et participants au colloque ont également demandé aux conseils subventionnaires d'apporter leur support aux institutions qui reçoivent les subventions en développant des règles nationales qui vont au-delà de leur actuelle politique sur l'intégrité. Ces normes nationales doivent selon eux toucher des sujets tels les communications et publications, les conflits d'intérêt, la cueillette et la conservation des données, la confidentialité, etc.

Les 170 chercheuses et chercheurs réunis lors de ce colloque croient que, en appliquant ces règles, les conseils et les institutions de recherche feront en sorte que les chercheuses et chercheurs portent une plus grande attention à l'intégrité et, par le fait même, maintiennent des standards d'intégrité à la hauteur des attentes du public. Après tout, n'est-ce pas lui qui finance la recherche et les universités?

Bruno Levesque