La Faculté des lettres et sciences humaines scrutée à la loupe

Lors de sa séance du 20 octobre, le Comité de direction de l'Université a convenu de la création d'un comité spécial chargé d'assurer l'atteinte des objectifs de compressions budgétaires à court et à moyen terme de la Faculté des lettres et sciences humaines (FLSH).

Le comité spécial est composé de Jean-Pierre Kesteman, vice-recteur à l'enseignement, de Daniel Hade, vice-recteur à l'administration, du doyen Normand Wener, de Michel Blais, secrétaire de la FLSH, et de André Rainville, du comité de vérification du Conseil d'administration. Son mandat : la révision budgétaire de la FLSH, la mise en place de contrôles appropriés, l'évaluation des plus récentes propositions de la Faculté, l'analyse des postes budgétaires susceptibles de permettre des compressions significatives, l'analyse de l'offre globale de ses activités pédagogiques ainsi que la formulation d'hypothèses de restructuration administrative et académique.

Le plan de redressement déposé à la mi-octobre par la direction de la FLSH décrivait plusieurs scénarios et hypothèses afin de rencontrer les objectifs fixés par la direction de l'Université. Des scénarios élaborés sur une période plus longue - on parle ici de deux à trois ans - que celle accordée par la direction de l'Université. Pour Normand Wener, il ne fait aucun doute que sa faculté arriverait à l'équilibre budgétaire si on lui en laissait le temps d'une part, et si, d'autre part, les us et coutumes administratives pouvaient quelque peu changer.

Une faculté au statut particulier

La FLSH offre 66 des 209 programmes disponibles à l'Université de Sherbrooke. En comparaison, la Faculté d'éducation, à laquelle la FLSH a été comparée dans le même document déposé au C.A., compte pratiquement le même nombre d'étudiantes et d'étudiants. Elle propose 30 programmes, tous niveaux confondus. La FLSH reçoit également trois fois plus de subventions de recherche que sa voisine.

<<Pour ces raisons et étant donné la diversité de nos programmes, les cours communs sont quasi inexistants, explique Normand Wener. À titre d'exemple, le cours Milieu scolaire québécois est obligatoire dans tous les programmes en éducation de la province. Les 2600 étudiantes et étudiants de la Faculté d'éducation suivront donc ce cours. Chez nous, il n'existe rien de semblable. Un professeur en télédétection ne donnera pas un cours en psycho. Même si nous essayons d'appliquer une rationalisation budgétaire au niveau de l'enseignement de cours communs par exemple, nous arrivons rapidement à une impasse.>>

Y aurait-t-il trop de programmes à la FLSH? Certains d'entre eux devraient-ils disparaître? Autres questions qui amènent rapidement Normand Wener à souligner l'importance du facteur temps dans un scénario de compressions budgétaires et des conséquences, parfois insoupçonnables, d'actions posées à court terme. <<Premièrement, dit-il, tous les programmes sauf économique, qui est en train d'être évalué, ont été évalués avec des recommandations positives. Deuxièmement, quand on se demande pourquoi de si nombreux étudiants et étudiantes de l'extérieur choisissent notre faculté, on en arrive vite à la conclusion que leur choix est étroitement lié à l'originalité de nos programmes. En enlevant des options, on réduit le nombre de cours offerts mais on risque fort de voir, en bout de ligne, diminuer notre clientèle étudiante. Pas très heureux comme résultat.>>

Sabrer dans les masses salariales

Alors, si pour le moment on ne peut toucher aux programmes, allons voir du côté des masses salariales s'il ne s'y trouverait pas une certaine marge de manoeuvre.

Normand Wener explique la relative latitude qu'offrent à sa faculté les récents départs à la retraite. <<Avant la situation financière difficile qu'on connaît actuellement, on avait l'habitude d'engager des professeures et des professeurs dès que des montants se libéraient des masses salariales complémentaires. Conséquemment, les masses salariales régulières ont augmenté au cours des ans. Quand je suis arrivé en poste, en 1993, seule la Faculté de médecine avait plus de professeures et professeurs que nous. Alors qu'en Éducation, pour une clientèle étudiante comparable, on comptait 90 ou 92 professeurs, nous en avions 110 à la FLSH. La seule piste de solution durable, en termes de diminution de masse salariale régulière, c'est lorsqu'il y a des départs à la retraite et qu'on ne comble pas les postes laissés vacants. Sauf que cette piste-là ne peut évidemment pas être suivie à très, très court terme.>>

Utiliser les compétences de chacun

Une des solutions que la direction de la Faculté des lettres et sciences humaines a proposé pour endiguer son déficit c'est de réorganiser le travail en fonction des compétences de chaque personne. <<Essayons dans toute la mesure du possible de mettre la bonne personne au bon endroit>>, déclare le doyen.

Simple à première vue, mais pas si facile à réaliser quand cette démarche implique le bouleversement d'us et coutumes solidement ancrés. Dans une lettre adressée au recteur il y a un an et signée par tous les directeurs de départements de la FLSH, la direction de la Faculté proposait de ne combler que 9 des 25 postes rendus disponibles par des départs à la retraite. Les 16 postes restants devaient servir à affronter les compressions budgétaires. <<Mais cela prend un certain temps avant que cet argent-là revienne, explique Normand Wener. Il faut donc penser moyen terme plutôt que court terme.>>

De plus, en même temps que le corps professoral diminue, les subventions de recherche augmentent. <<Il y a de moins en moins de profs, de plus en plus de recherche, autant de cours à donner, ce qui fait qu'à un moment donné, on n'arrive plus, on doit fonctionner différemment>>, soutient-il.

Après une tournée des départements et quelques séances de réflexion avec le comité de direction de la Faculté, Normand Wener et son équipe se sont posé les questions suivantes : Qu'est-ce que le prof est le seul à pouvoir faire? Dans quelles tâches pourrait-il être remplacé? <<Nous avons découvert que certains professeurs donnaient depuis dix ans des cours de base qui pouvaient très bien être transférés à des chargées ou des chargés de cours, explique-t-il. En étant libérés de ces cours, ils auraient plus de temps à consacrer à la recherche.>>

À cela s'ajoutent l'encadrement des étudiantes et des étudiants ainsi que des tâches de gestion qui pourraient éventuellement être placés sous la responsabilité de personnel professionnel ou de soutien. Les professeures et professeurs qui le veulent peuvent ainsi se consacrer à ce qu'ils sont les seuls à pouvoir faire : l'enseignement de cours clés et la recherche. <<Réorganisation de tâche pour que la bonne personne se trouve au bon endroit, plus de souplesse dans le travail et utilisation maximale du talent de chacun : une économie d'échelle à moyen terme>>, soutient le doyen. Une idée qui fait son chemin et qui trouve preneur parmi un grand nombre d'employées et d'employés de la FLSH.

<<Dans la structure actuelle, conclut Normand Wener, il existe deux outils fondamentaux que les facultés ne possèdent pas et qui ne sont pas décentralisés. Le premier, ce sont les orientations budgétaires; le deuxième, les conventions collectives. Alors si on additionne les quatre facteurs suivants : pas de contrôle sur les orientations budgétaires ni sur les conventions collectives, une masse salariale régulière plus élevée qu'ailleurs et une diversité de programmes qui entraîne un morcellement des cours, une commande de copressions à court terme est quasi impossible à réaliser en totalité.>>

Hélène Goudreau

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Pour Normand Wener, il ne fait aucun doute que sa faculté arriverait à l'équilibre budgétaire si on lui en laissait le temps d'une part, et si, d'autre part, les us et coutumes administratives pouvaient quelque peu changer.