À l'aube de son second mandat, le recteur Pierre Reid a rencontré LIAISON afin de partager avec ses lectrices et lecteurs son analyse des principaux défis auxquels l'Université sera confrontée au cours des quatre prochaines années et des moyens à prendre pour les relever. Il a aussi parlé de l'équilibre qu'il entend maintenir entre la préservation des caractéristiques de l'Université et les transformations qu'il veut contribuer à apporter à son fonctionnement.

Le second mandat du recteur Pierre Reid

Sous le signe de l'équilibre

Des compressions budgétaires sans précédent, une réingénierie des processus administratifs en pleine effervescence, des technologies de l'information qui se développent à toute allure, une société québécoise et un monde en pleine mutation, le contexte dans lequel évolue l'Université de Sherbrooke change tellement vite qu'il paraît difficile de prévoir son avenir, même le plus immédiat.

Malgré cette effervescence, le recteur Pierre Reid, réélu aux commandes de l'Université le 27 février, semble avoir décidé de placer son mandat sous le signe de l'équilibre : équilibre entre le changement et la continuité, entre une certaine austérité budgétaire et la poursuite du développement de l'Université, entre le sens de l'innovation de la communauté universitaire et le respect de la culture de l'Université de Sherbrooke.

Bien sûr, comme il l'a répété au cours des derniers mois, le recteur considère que des changements importants sont à prévoir et que des efforts considérables seront exigés de tous et chacun. Mais ces changements et ces efforts devront être faits en respectant les caractéristiques essentielles de l'Université de Sherbrooke : <<Notre Université doit demeurer centrée sur les étudiantes et les étudiants; elle doit continuer à démontrer son grand sens de l'innovation; elle se doit d'accorder une grande attention à l'aspect pratique de la formation et de préserver et même d'accroître sa réputation de partenaire sur lequel on peut compter.>>

Un contexte budgétaire qui commande le changement

Depuis quelques années, les universités québécoises sont l'objet de compressions budgétaires importantes. Durant le premier mandat du recteur Pierre Reid, l'Université a subi des restrictions budgétaires de plus de 20 millions de dollars.

Malgré ce contexte financier difficile, le recteur est heureux que l'Université ait réussi à absorber ces baisses de budget sans que les membres de la communauté universitaire se découragent et perdent le goût d'innover et de participer au développement de leur institution. <<Si on la compare avec d'autres, signale-t-il, l'Université de Sherbrooke, jusqu'à maintenant, a réussi à traverser une période très difficile de compressions budgétaires. La communauté universitaire, bien qu'évidemment fatiguée et lassée de ces compressions, a conservé la flamme, la volonté d'entreprendre des choses.>>

Cette flamme, cette volonté d'agir, la communauté universitaire en aura bien besoin puisque l'Université de Sherbrooke, comme les autres institutions du réseau universitaire québécois, devra vivre une autre vague de compressions au cours des prochaines années. <<L'expérience des dernières années montre que nous allons pouvoir y faire face tout en gardant le cap sur l'idéal que nous avons toujours eu et sur nos caractéristiques, estime Pierre Reid. Même s'il faut changer le mode de formation et d'enseignement, nos assises demeureront les mêmes.>>

Changer en conservant l'essentiel

L'un des plus importants effets des compressions budgétaires constitue sans doute l'inévitable réduction de personnel qu'elles entraîneront. Cette réduction a bien sûr ses conséquences sur le personnel enseignant qui, lui aussi, voit son effectif diminuer. Devant une telle situation, le recteur propose des solutions pour s'assurer que les étudiantes et les étudiants obtiennent un diplôme d'une qualité et d'une valeur égale non seulement à celle des diplômes des années passées, mais aussi à celle des diplômes émis par les universités de tout le Canada et de l'étranger. <<Le gros dilemme des prochaines années, résume Pierre Reid, sera de garder une formation de qualité avec moins de professeures et professeurs. Il s'agit d'un dilemme important qui n'est pas encore résolu. Nous avons encore beaucoup d'efforts à fournir et nous devrons utiliser notre grand sens de l'innovation pour y arriver.>>

Pierre Reid propose donc des mesures susceptibles de pallier cette réduction du personnel enseignant, tout en préservant la valeur de la formation prodiguée : diversifier les contacts pédagogiques offerts aux étudiantes et étudiants, favoriser une plus grande autonomie de ceux-ci, mieux utiliser le personnel enseignant et stimuler la collaboration entre les professeures et professeurs enseignant des matières similaires dans des facultés différentes.

Pour préserver la qualité de l'enseignement, le recteur estime qu'il faut maintenir et même augmenter le nombre de contacts pédagogiques proposés aux élèves. Si l'atteinte d'un tel objectif semble difficile avec moins de ressources humaines, c'est que les professeures, professeurs, chargées et chargés de cours sont souvent vus comme les seuls susceptibles d'offrir ces contacts pédagogiques. La solution, selon Pierre Reid, consiste à diversifier les sources de contacts pédagogiques qui pourraient, par exemple, provenir d'étudiantes et d'étudiants plus avancés, supervisés par un professeur, étudiants à qui l'on accorderait des crédits pour participer à de telles activités. <<L'objectif qu'il faut poursuivre est de préserver le rôle des professeurs et des chargés de cours là où il est le plus important, explique le recteur. S'ils pouvaient consacrer leur temps à ce qu'eux seuls peuvent faire, on pourrait probablement arriver à conserver une formation de haute qualité, même avec un corps professoral qui va en diminuant.>>

Les bibliothèques et les ordinateurs, que ce soit à travers Internet ou le multimédia, sont aussi appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans l'apprentissage des étudiantes et étudiants. Pour qu'ils retirent le maximum de ces ressources, le recteur affirme qu'il est important de fournir les outils adéquats aux étudiantes et étudiants, mais aussi d'augmenter leur niveau d'autonomie. <<Il n'est pas question pour nous de devenir une université où l'étudiant peut rester seul dans son sous-sol pendant trois ans et faire son baccalauréat sur son ordinateur, assure Pierre Reid. Je crois que la relation avec les individus est extrêmement importante en éducation. Il reste néanmoins qu'il faudra miser, au cours des prochaines années, sur l'autonomie des étudiantes et des étudiants. Il faudra également s'assurer que chaque étudiante ou étudiant ait un projet d'étude et qu'il sache ce qu'il faut faire pour atteindre ses objectifs.>>

Toujours dans un but d'économie, le recteur Pierre Reid, dans son second mandat, entend faire en sorte que s'instaure un dialogue entre les professeures et professeurs qui travaillent dans des disciplines connexes à l'intérieur de facultés différentes. <<Tout en respectant la structure facultaire, nous devrons trouver le moyen pour que les professeurs qui possèdent une expertise dans les mêmes disciplines soient appelés à travailler ensemble et à harmoniser leur enseignement.>>

L'équilibre budgétaire : pas à n'importe quel prix

S'il adhère au principe selon lequel les universités doivent, elles aussi, faire leur part dans l'effort du gouvernement du Québec pour effacer son déficit, le recteur rajoute du même souffle qu'il est primordial de préserver l'essentiel des caractéristiques de l'université qu'il dirige. Il parle de l'équilibre souhaitable entre les objectifs budgétaires et la qualité de l'enseignement : <<Il faut prendre nos responsabilités et accepter de participer à l'effort de réduction du déficit du Québec, explique le recteur. Il faut aussi, dans un tel contexte, veiller à maintenir la santé financière de l'Université. Néanmoins, nous devrons en même temps maintenir la qualité de l'enseignement et préserver notre capacité de décerner des diplômes de qualité au moins comparable à celle des autres universités au Canada et ailleurs dans le monde. Il est essentiel que nos enfants puissent avoir une formation universitaire de calibre mondial pour qu'ils puissent contribuer à maintenir le Québec dans les ligues majeures des sociétés. Nous allons continuer à faire le maximum pour absorber les réductions de budget, mais l'ampleur des compressions qui s'annoncent semble incompatible avec la capacité d'assurer la qualité de nos diplômes. Dans un tel contexte, nous allons peut-être devoir nous résoudre à présenter des budgets déficitaires.>>

L'Université en l'an 2000

Et à quoi Pierre Reid voudrait-il que l'Université ressemble le 31 mai 2001, dernier jour de son mandat? Il souhaite que l'Université de Sherbrooke soit encore, dans les faits, reconnue comme l'université la plus dynamique au Québec, la plus entrepreneuriale et la plus innovatrice. Il voudrait aussi qu'elle soit toujours connue pour l'importance qu'elle accorde à l'aspect pratique de la formation, en particulier pour son régime coopératif. <<Mais le plus important, dit-il, serait que l'Université ait conservé son dynamisme interne. Pour favoriser ce dynamisme, il faut continuer avec une orientation du type de celle préconisée dans Paver la voie à l'initiative, faire en sorte que l'initiative à l'Université de Sherbrooke demeure le moteur numéro un de son évolution.>>

Bruno Levesque