En septembre dernier, LIAISON publiait les résultats d'une enquête menée à la Faculté des lettres et sciences humaines. De type exploratoire, l'enquête avait pour objet d'identifier les situations de discrimination vécues par les étudiantes de cycle supérieur. À la suite des résultats de cette étude, le Comité de direction de l'Université a décidé de mener l'enquête dans l'ensemble de l'Université auprès des étudiantes des cycles supérieurs. En voici les résultats.

Les filles prennent leur place

La présente recherche avait pour objet d'identifier les situations de discrimination vécues par les étudiantes des cycles supérieurs de l'Université de Sherbrooke et d'en mesurer l'étendue. Pour atteindre ces objectifs, Julie Boudreau, consultante en recherche, a mené son enquête auprès d'un échantillon proportionnel d'étudiantes. La cueillette de l'information s'est effectuée au moyen d'entrevues de groupe, individuelles et téléphoniques ainsi que par l'envoi d'un questionnaire, dont le taux de réponse a été de 44 p. 100.

Les résultats de l'enquête sont pour la plupart rassurants. Dans l'ensemble, ils ne reflètent pas des conditions d'études discriminatoires envers les femmes.

Pour certains indicateurs (comme le manque d'attention, la contribution inégale aux travaux d'équipe et l'accueil défavorable), la discrimination s'avère peu significative. Par contre, l'analyse des données souligne des incidences passablement élevées en ce qui concerne les remarques et plaisanteries sexistes, les difficultés à prendre la parole, le harcèlement sexuel et les problèmes spécifiques aux mères étudiantes.

En effet, la recherche démontre qu'une quantité importante d'étudiantes (40 p. 100) entendent des propos sexistes dans le cadre de leurs activités à l'Université, surtout celles qui étudient dans des programmes majoritairement masculins. Ces remarques, habituellement formulées par des hommes, provoquent deux principales réactions chez les répondantes.

Avec un grain de sel? Pas toujours

Alors que bon nombre d'entre elles (55 p. 100) prennent de tels propos à la légère et ripostent avec humour, certaines choisissent d'exprimer leur intolérance en discutant sérieusement avec l'auteur ou l'auteure des remarques (19 p. 100), en coupant court à la conversation (1 p. 100) ou en adoptant un air insulté (1 p. 100).

Une proportion considérable de répondantes (37 p. 100) rencontrent également des difficultés à poser des questions ou à apporter leurs commentaires, et ce, plus particulièrement lors des cours (94 p. 100). L'observation des données indique que ce problème s'accentue lors d'un contact plus intime avec un homme et qu'il se manifeste plus souvent chez les participantes évoluant dans un contexte d'études minoritairement féminin.

Timidité ou peur du ridicule?

Pour expliquer cette difficulté à s'exprimer, une grande part des étudiantes (61 p. 100) évoquent la peur d'énoncer des propos inappropriés ou non pertinents. Sans vouloir diminuer l'importance de ce problème, il faut toutefois noter que le questionnaire ne s'adressait pas aux étudiants masculins et qu'on ne peut par conséquent déclarer ce problème typiquement féminin. Par contre, il est évident que les résultats vont dans le même sens que plusieurs recherches déjà menées sur le sujet à savoir que les femmes s'expriment moins aisément devant un groupe que les hommes.

Le harcèlement sexuel s'avère un problème qui touche, lui aussi, une bonne partie des répondantes (27 p. 100), plus précisément celles qui sont inscrites dans les programmes de sciences et de génie (32 p. 100). Les conduites sexuelles importunes rapportées étaient, la plupart du temps, de nature contrariante et de forme verbale telles que des blagues déplacées (60 p. 100), des remarques embêtantes (32 p. 100), des questions intimes (15 p. 100) et des commentaires répétés sur la vie sexuelle ou l'apparence (15 p. 100).

En général, le harceleur est un homme et la situation demeure cachée puisque la quasi-totalité des victimes n'ont formulé aucune plainte auprès d'une autorité de l'Université, décidant plutôt d'ignorer le comportement (50 p. 100), d'éviter leur harceleur (35 p. 100) et de changer leur façon de s'habiller ou de se comporter (9 p. 100).

Famille et études, une combinaison difficile

Bien qu'ils ne concernent pas l'ensemble des participantes, les problèmes causés par la combinaison famille-études sont vécus par une proportion impressionnante de mères étudiantes (72 p. 100).

Le manque de temps pour effectuer les travaux scolaires (56 p. 100) et pour se préparer adéquatement aux examens (28 p. 100), les conflits d'horaire (38 p. 100), les difficultés à assister à un cours (22 p. 100), à réaliser des travaux d'équipe (21 p. 100) ou à se déplacer pour une réunion d'équipe (15 p. 100) se rencontrent davantage chez les mères qui assument seules le soin des enfants et aussi chez celles qui ont à leur charge trois enfants et plus, âgés entre 0 et 10 ans.

Les étudiantes des cycles supérieurs vivent également d'autres types de situations discriminatoires dont l'ampleur est beaucoup moins importante. C'est le cas, entre autres, du manque d'attention qui n'affecte en fait que 7 p. 100 des répondantes.

Selon ces dernières, un surplus d'intérêt est surtout accordé aux étudiants de médecine (14 p. 100), d'administration et d'éducation physique (13 p. 100) sous forme d'encouragements supplémentaires, de conseils additionnels, d'affection plus évidente, dans les mêmes proportions, soit 43 p. 100, de taquineries particulières (36 p. 100) et d'explications supplémentaires (29 p. 100). Encore une fois, il serait erroné d'affirmer que le manque d'attention touche essentiellement les femmes, bien que plusieurs recherches prouvent qu'il les affecte davantage.

Qui s'occupe du traitement de texte?

Les travaux réalisés en équipe mixte suscitent l'émergence de problèmes de discrimination. En ce qui a trait aux travaux scolaires, l'enquête souligne que les tâches <<passives>> sont toujours ou souvent assumées par une bonne partie des répondantes. On entend par tâches passives rédiger les travaux (54 p. 100), prendre des notes (43 p. 100) et s'occuper du traitement de texte (38 p. 100).

Ces données doivent cependant être examinées avec prudence, car le questionnaire n'offrait pas la possibilité de vérifier si les tâches <<passives>> étaient réparties entre les divers membres d'une équipe de manière à ce que les hommes, tout autant que les femmes, les assument. De plus, d'autres résultats de la recherche démontrent que les étudiantes se chargent aussi, dans des proportions encore plus importantes, des tâches <<actives>>, traditionnellement masculines, comme donner son opinion (88 p. 100), prendre des décisions (72 p. 100) et effectuer la présentation orale (51 p. 100).

Pour un faible pourcentage de participantes, la contribution des hommes aux travaux d'équipe (18 p. 100) et aux travaux de recherche (8 p. 100) n'est pas équivalente à la leur. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici de perceptions et que les hommes pourraient, de leur côté, estimer leur contribution plus avantageusement. Bien qu'elles constatent une participation inégale, plusieurs étudiantes l'acceptent sans rien dire (42 p. 100), du moins dans le cas des travaux d'équipe. Par contre, pour les travaux de recherche, on remarque qu'un nombre supérieur de répondantes (80 p. 100) expriment leur mécontentement au membre fautif ou expliquent l'injustice au responsable de l'activité.

Une tendance à se sous-estimer

Plusieurs enquêtes portant sur la perception des étudiantes et des étudiants à l'égard de leurs compétences scolaires concluent que les femmes ont davantage tendance à se sous-estimer que les hommes. Sans la possibilité de vérifier le jugement des hommes à cet effet, la recherche met toutefois en évidence l'importance de ce problème chez les étudiantes des cycles supérieurs et surtout chez celles évoluant en sciences et en génie.

La crainte de ne pas réussir se manifeste assez fréquemment chez les répondantes mais selon des intensités différentes. Bien que peu de participantes (6 p. 100) éprouvent souvent ou toujours cette peur de l'échec, il y en a tout de même 68,5 p. 100 qui la ressentent parfois ou rarement. En fait, seulement 25 p. 100 des étudiantes ont une confiance absolue en leurs chances de réussite. Une foule de raisons semblent justifier cette crainte, mais les plus importantes demeurent le manque de temps (46 p. 100), l'excès de perfectionnisme (43,5 p. 100), le manque de confiance en soi (30 p. 100) et l'abondance de la matière (26,5 p. 100).

Une autre forme de discrimination, affectant uniquement les répondantes des domaines d'études traditionnellement masculins, se dégage de l'enquête : un accueil défavorable à l'endroit des femmes (indifférence et rejet). Ce problème, sans être inexistant, ne concerne que très peu d'étudiantes (9 p. 100) et permet donc de conclure à une incursion féminine favorable au sein de ces secteurs d'activité encore majoritairement masculins.

(Extraits du rapport de recherche Enquête sur la discrimination vécue par les étudiantes de cycles supérieurs de l'Université de Sherbrooke)