Coopération scientifique Nord-Sud

Des superbriques pour reconstruire le Rwanda

Depuis juillet, le Département de génie civil accueille un chercheur du Rwanda, Jean-Baptiste Katabarwa. En collaboration avec Pierre-Claude Aïtcin, professeur-chercheur au même département, et Colette Ansseau, professeure au Département de biologie, il travaille à élaborer les modalités d'implantation d'une technologie améliorée de production de la brique cuite au Rwanda. Un projet fort important, alors que ce pays dévasté a un urgent besoin de logements.

Jusqu'aux récents événements qui ont déchiré ce petit pays d'Afrique centrale, Jean-Baptiste Katabarwa était professeur et doyen de la Faculté des sciences appliquées de l'Université nationale du Rwanda (toujours fermée), à Butare. Lorsque les massacres ont commencé, il était à l'extérieur du pays et n'a jamais pu y retourner.

Comme la majeure partie de la population, la communauté scientifique rwandaise a dû fuir son pays. Selon Jean-Baptiste Katabarwa, en plus d'avoir perdu parents et amis, ces chercheurs subissent la frustration de ne pas pouvoir retourner au Rwanda et participer pleinement à la reconstruction du pays. La situation politique actuelle semble en effet défavorable aux intellectuels.

Une technologie appropriée

La phase I (mise au point technique) du projet, qui est subventionné par le CRDI (voir encadré), était heureusement terminée avant le début du conflit en 1994. Quant à l'implantation sur le terrain (phase II) de cette nouvelle technologie de production de briques cuites, elle est temporairement interrompue. La phase I consistait en fait en un développement technologique visant à améliorer le rendement de cette industrie prometteuse.

La méthode artisanale de fabrication des briques, qui utilise le bois comme combustible, est présentement confrontée à plusieurs problèmes, dont la déforestation. Simple et adaptée aux réalités locales, la nouvelle technologie modifie tant les composantes de la brique que son mode de cuisson.

Pour ce qui est de la brique, traditionnellement faite d'argile extraite des marais, on y a simplement ajouté de la balle de riz. Ce mélange améliore les propriétés de l'argile : les briques sont plus uniformes, plus légères et deux fois plus résistantes que les briques traditionnelles.

Des fours igloo peu gourmands

Quant à la cuisson, les artisans utilisent normalement des feux ouverts, gros consommateurs de bois fournissant une température instable. Jean-Baptiste Katabarwa et Pierre-Claude Aïtcin, en collaboration avec les techniciens Raymond Corriveau et Claude Poulin, ont montré aux artisans rwandais comment construire un four de type igloo.

Lors de la phase I du projet, deux fours igloo expérimentaux ont été construits avec des matériaux locaux, chacun d'une capacité de 55 000 à 60 000 briques. D'une hauteur de 2,4 mètres, ils offrent une température uniforme d'environ 1000 oC et réduisent la consommation de bois de 50 p. 100.

De plus, ce four amélioré accepte des sources d'énergie alternatives comme la tourbe, la balle de riz, la sciure de bois, l'huile de vidange et autres déchets agricoles. Tous ces avantages permettent de réduire les coûts de maçonnerie jusqu'à 40 p. 100. Les nouveaux fours permettront aussi de créer des emplois.

L'équilibre écologique

Le souci de préserver l'environnement n'a pas été oublié. En collaboration avec des chercheurs rwandais, Colette Ansseau a proposé un plan de restauration des marais après extraction de l'argile. Le projet vise également à élaborer une politique pour rationaliser l'utilisation de cette matière première ainsi que pour permettre la pratique de l'agriculture et de la pisciculture dans ces marais.

Aux dernières nouvelles, en janvier, les coupoles des deux fours igloo expérimentaux avaient été endommagées mais seraient réparables. Lorsque la situation politique le permettra, d'autres fours seront construits au Rwanda, au Burundi et dans l'est du Zaïre.

Michel Bury

Collaboration spéciale

Encadré

À la suite de la tragédie rwandaise, le Centre de recherches pour le développement international à Ottawa a mis sur pied un programme de reconstruction du Rwanda. Ce programme comprend deux volets :

- aider les scientifiques rwandais à rester actifs en recherche en attendant leur retour au pays;

- leur permettre de collaborer à la définition des éléments de réconciliation et des axes prioritaires pour la reconstruction du pays.

Une vingtaine de scientifiques du Rwanda participent à ce programme.