Une chercheuse veille sur votre sommeil

Quand la nuit vient, que tout le monde dort paisiblement, Dominique Lorrain, professeure au Département de psychologie et chercheuse au Centre de recherche en gérontologie et gériatrie de l'Hôpital d'Youville, veille au grain. Après les bonnes fées et les anges gardiens, c'est elle qui à son tour, vient surveiller votre sommeil.

À l'aide d'électrodes placées sur le crâne, sur les yeux et sur le menton de collaboratrices et collaborateurs bénévoles qui viennent passer la nuit dans son laboratoire, elle mesure leur activité cérébrale, les mouvements de leurs yeux et la tension musculaire de leur menton tout au long de la nuit. Ces électrodes sont reliées à un ordinateur qui enregistre la moindre activité, le moindre mouvement.

Le but de ces recherches? Mieux comprendre le sommeil des personnes âgées et, objectif ultime, trouver un moyen de diagnostiquer la maladie d'Alzheimer de façon précoce. <<Nos recherches ne font que commencer et nous n'en sommes qu'à l'étape des hypothèses>>, s'empresse de préciser Dominique Lorrain, fort consciente de l'espoir que de tels propos pourraient faire naître.

Des hypothèses séduisantes

Quelques faits liant la mémoire, une phase du sommeil appelée sommeil paradoxal et la maladie d'Alzheimer ont mis la puce à l'oreille de Dominique Lorrain. Par exemple, il est connu que les périodes de sommeil paradoxal augmentent chez une personne en situation d'apprentissage intense, par exemple chez un étudiant en période d'examens. Autres faits troublants, la période précédant l'arrivée du sommeil paradoxal est plus longue chez les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer que chez les autres et l'acétylcholine, un neurotransmetteur chimique que les spécialistes ont depuis longtemps associé à la mémoire, est aussi responsable du déclenchement des périodes de sommeil paradoxal. Enfin, la baisse d'activité cérébrale associée à la maladie d'Alzheimer, quasi imperceptible quand le patient est éveillé, était deux fois plus visible lors du sommeil paradoxal.

Pour sa recherche, Dominique Lorrain a formé deux échantillons de sujets : l'un composé de personnes atteintes de démence de type Alzheimer et un groupe de contrôle composé de personnes âgées en bonne santé. La psychologue compte ainsi comparer les performances cognitives et mnésiques des personnes âgées à l'intérieur d'un cycle de 24 heures. Comment évoluent les performances de chacun des groupes? Quelle différence peut-on remarquer entre les deux? Répondre à ces questions pourrait ouvrir toutes grandes les portes à un diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer. Et Dominique Lorrain s'est donné pour but d'y arriver.

Comment naît un projet de recherche

Pour ses travaux sur la maladie d'Alzheimer, Dominique Lorrain a dû exclure toutes les personnes en santé présentant des troubles du sommeil. <<Mais il arrive assez souvent que les personnes âgées ont certains troubles du sommeil, explique la chercheuse. J'ai donc pu former quelques sous-groupes de gens affectés par le même problème.>>

C'est ainsi qu'est né un projet de recherche parallèle, projet qui a pour objectif d'étudier certains troubles du sommeil fréquents chez les personnes âgées. Dominique Lorrain donne un exemple : <<L'architecture du sommeil des personnes âgées est modifiée. Il y a une diminution très importante du sommeil profond, type de sommeil pendant lequel s'effectue la récupération physique. Personne ne connaît la cause de ce changement, alors nous l'étudions.>>

La chercheuse et son équipe étudient aussi le phénomène de fragmentation du sommeil qui fait que beaucoup de personnes âgées ont des nuits parsemées de courtes périodes de réveil. Elle se penche aussi sur certains troubles du sommeil qui apparaissent ou qui augmentent beaucoup avec le vieillissement et qui empêchent d'atteindre le sommeil profond : mouvements périodiques des jambes ou arrêts de respiration pendant plusieurs secondes. Tous ces projets, toutes ces études entraîneront sans aucun doute de longues heures de travail et des nuits de sommeil souvent trop courtes pour Dominique Lorrain et son équipe.

Bruno Levesque

(bas de vignette)

En analysant l'activité électrique de notre cerveau pendant la nuit, Dominique Lorrain pense pouvoir mettre au point une méthode diagnostique précoce de la maladie d'Alzheimer.