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Ingénierie durable et écoconception

Du berceau à la tombe... des matériaux

C’est un fait : nous consommons presque deux fois plus de ressources que ce que la Terre est en mesure de renouveler à l’échelle d’une année. Pour un développement véritablement durable, l’analyse du cycle de vie (ACV) devient incontournable. Cet outil, cependant, peut devenir rapidement complexe. Une équipe de l’UdeS s’attarde à cette problématique et développe des modèles ACV sur lesquels s’appuient de grandes entreprises.

L’analyse de cycle de vie (ACV) est une méthode développée dans les années 80 pour évaluer les impacts environnementaux et globaux d’une production. Elle adresse l’ensemble du cycle de vie d’un produit : de l’extraction des matières premières en passant par la production et la consommation, jusqu’aux déchets et aux émissions de fin de vie. L’équipe du professeur Ben Amor, de la Faculté de génie, veut non seulement améliorer l’ACV mais aussi l’appliquer. Elle travaille à intégrer l’environnement dès la phase de conception et, ainsi, rend l’écoconception opérationnelle.

Ben Amor, qui dirige le LIRIDE.
Ben Amor, qui dirige le LIRIDE.
Photo : Michel Caron

«Ce qui est naturel n’est pas toujours plus favorable pour l’environnement, donne en exemple Ben Amor, fondateur et directeur du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Ingénierie Durable et en Éco-conception (LIRIDE). Par exemple, la fécule de maïs biosourcée que l’on utilise dans les colis de poste n’est, en fin de compte, pas plus écolo que le polystyrène, puisqu’il en faut en général quatre fois plus. Si on tient compte ne serait-ce que des fertilisants utilisés pour cultiver le maïs, l’impact sur la nature est plus important pour une même fonction, qui est de protéger le colis. Les outils de modélisation que l’on développe au LIRIDE intègrent cet aspect de la fonction commune pour pouvoir comparer sur le même pied d’égalité différents produits, naturels ou non, et ce sur plus d’une quinzaine d’indicateurs environnementaux. Le but est d’éclairer les décisions prises sur un choix écologique fondé scientifiquement, comparativement au greenwashing, ou écoblanchiment. On veut ainsi éviter le déplacement des problèmes d’une catégorie d’impact à une autre, ou d’une étape du cycle de vie à une autre».

Le spécialiste de la modélisation du cycle de vie en génie du bâtiment est au congrès de l’Acfas ce vendredi 12 mai pour présenter ces travaux, en collaboration avec le Centre de Recherche sur les Infrastructures en Béton (CRIB). Sa conférence vise à illustrer comment intégrer les aspects environnementaux aux aspects économiques dans un processus décisionnel. Une réflexion qui repose sur bien d’autres critères que la principale analyse des coûts habituellement privilégiée par les organisations lors du choix d’un soumissionnaire.

Ramener le choix des matériaux à leurs fonctions

L'équipe du LIRIDE.
L'équipe du LIRIDE.
Photo : Michel Caron

En plus d’informer sur le profil environnemental et l’empreinte carbone des matériaux, l’analyse du cycle de vie (ACV) incorpore des dizaines de facteurs dont les interactions sont aussi quantifiées. L’acquisition des matériaux, la fabrication, le transport, la distribution, l’utilisation et la gestion de la fin de vie sont évalués par les modèles du LIRIDE en fonction de plusieurs indicateurs de dommage relatifs à la santé humaine, à la qualité des écosystèmes, la consommation de ressources diverses (ex. : minérales), au changement climatique et à la ressource eau, notamment.

«Il faut ramener nos choix de matières à la fonction qu’on entend leur faire remplir, et non aux quantités utilisées», soutient Ben Amor.  L’ACV répond au besoin de méthodes d’évaluation quantitatives permettant de réaliser un diagnostic environnemental exhaustif et de comparer différents scénarios possibles.

Des exemples

La passerelle piétonne dans le Coeur campus de l'UdeS.
La passerelle piétonne dans le Coeur campus de l'UdeS.
Photo : Michel Caron

Un cas de figure? Au cours des prochaines années, Hydro-Québec doit changer 14 000 de ses chambres de raccordement de câblage souterrain. Ces structures gisent dans des milieux humides et sont exposées à plusieurs agents agressifs. L’armature d’acier est sujette à la corrosion et le ciment qui constitue la structure n’est pas optimal. Hydro-Québec projette également l’ajout de 100 nouvelles chambres par année. «Quels sont les matériaux qui représentent la  meilleure performance à l’issus de l’ACV et dont la durée de vie pourrait atteindre 100, voire 200 ans? L’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) fait appel à notre équipe pour modéliser différentes avenues», explicite le directeur du LIRIDE.

Photo : LIRIDE

Le choix des matériaux de construction de la passerelle piétonne située dans le Cœur campus de l’UdeS constitue un autre résultat concret de l’ACV. Des analyses comparatives en fonction de la qualité des écosystèmes, de la santé humaine, des ressources et des changements climatiques ont démontré que le mélange de béton ultra haute performance et de poudre de verre offrait la meilleure durabilité et un moindre impact sur l’environnement.

Ces projets sont effectués par le LIRIDE en collaboration avec la Chaire SAQ de valorisation du verre dans les matériaux de l’UdeS.

Des outils pour mieux anticiper le futur

L’équipe du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Ingénierie Durable et en Écoconception (LIRIDE) s’intéresse également à l’économie circulaire –qui se passe de la notion de déchets- ainsi qu’à l’écoconception. Ces approches intègrent l’environnement dans les phases de conception qui concernent non seulement les produits mais également les projets et les services. Elles peuvent par ailleurs modéliser les conséquences environnementales reliées aux scénarios sélectionnés. En somme, les analyses et les outils développés par le LIRIDE mettent parfois au défi certains concepts comme le LEED, qui convient plus ou moins à la réalité du Québec.

Le Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) est un système d'évaluation reconnu comme la certification internationale d'excellence pour les bâtiments durables dans plus de 132 pays. Ce système de pointage peine en effet à pondérer fidèlement la portée québécoise des choix de matériaux,  une variable critique compte tenu de nos rudesses climatiques. «La dernière version de LEED accorde un pointage de 9% aux matières sélectionnées, alors qu’elles ont une incidence de 50% dans nos modèles d’analyses, en raison des pressions induites par la construction, leur maintenance, leur réparation et leur fin de vie.» Ces travaux sont réalisés en collaboration avec la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB).

Selon Ben Amor, il est de plus en plus impératif que les données considérées et les outils déployés aux fins d’analyses environnementales reflètent le contexte géographique des milieux où ils s’appliquent.


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