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Est-ce que les jeux de hasard et d’argent présentent un risque chez les consommateurs de cocaïne ?

Quand la cocaïne se mêle aux jeux de hasard et d’argent

Photo : Pixabay

En janvier 2016, l’un des plus importants gros lots de l’histoire – 950 M$ – a été mis en jeu à la loterie américaine Powerball. Que choisirait de faire l’heureux gagnant s’il raflait cette cagnotte? Contre toute attente, un américain interrogé au hasard par la chaîne télévisée Fox 5 Las Vegas a répondu : «Un tas de prostituées et de la cocaïne».

Cette réponse surprenante amène à la réflexion. D’une part, les conséquences liées à la consommation de cocaïne et celles liées aux jeux de hasard et d’argent sont deux problèmes de santé publique connus. Toutefois, les connaissances sont limitées quant aux liens entre la consommation de cocaïne et les problèmes de jeux.

Intéressés par cette question encore peu étudiée, des chercheurs québécois se sont demandé à quel point les consommateurs de cocaïne ont des problèmes de jeu et vivent des conséquences négatives relatives à cette pratique. Les résultats de cette recherche permettraient de mieux outiller les intervenants et les centres communautaires dans leurs interventions auprès de cette population vulnérable.

La professeure Magali Dufour de l’Université de Sherbrooke et ses collègues ont donc réalisé une étude auprès de 424 consommateurs réguliers de cocaïne par injection ou fumeurs de crack du centre-ville de Montréal qui fréquentent un centre d’aide communautaire. Chaque entrevue d’une heure et demie a permis de déterminer le profil des participants quant aux activités de jeux de hasard et d’argent, aux problèmes de jeu, à la consommation de drogue et d’alcool ainsi que certains problèmes de santé mentale.

«Un consommateur sur cinq subit des conséquences dans sa vie dues aux jeux de hasard et d’argent», indique la professeure Magali Dufour.
«Un consommateur sur cinq subit des conséquences dans sa vie dues aux jeux de hasard et d’argent», indique la professeure Magali Dufour.
Photo : Michel Caron

L’étude de la professeure Dufour est l’une des premières à exposer cette problématique d’actualité encore trop ignorée. Elle encourage l’amélioration de la prise en charge des consommateurs de cocaïne en matière de jeu pathologique.

Les jeux de hasard et d’argent chez les consommateurs de cocaïne

Selon cette étude publiée dans la revue Journal of Gambling Studies, plus de la moitié (56,6 %) des consommateurs de cocaïne ont participé à des activités de jeux de hasard et d’argent lors de la dernière année. Les jeux les plus populaires sont, dans l’ordre, les billets de loterie, suivis des prix instantanés (ou cartes à gratter appelées aussi «gratteux»), puis des appareils de loterie vidéo dans les bars. Ces données corroborent les études réalisées précédemment. Ces jeux de hasard et d’argent étant facilement accessibles et à bas prix, ils deviennent des cibles de choix pour une clientèle vulnérable.

Même si, pour la plupart, le jeu reste sans danger, c’est presque un consommateur de cocaïne/joueur sur cinq qui vit des conséquences négatives relatives aux jeux de hasard et d’argent. Il peut s’agir par exemple de difficultés financières pour le joueur ou sa famille ou encore de problèmes de santé comme le stress ou l’anxiété. Il y a donc lieu de se préoccuper des problèmes de jeux chez les consommateurs de cocaïne.

Des facteurs de risque?

Une découverte intéressante concerne les facteurs de risque liés au jeu chez les consommateurs de cocaïne. L’équipe de chercheurs a démontré une envie irrépressible de s’adonner à des jeux de hasard et d’argent en réaction à un événement douloureux, à une perception erronée de ses chances à regagner l’argent perdu de même qu’à la perte d’un gros montant d’argent. On retrouve ces facteurs de risque chez les consommateurs de cocaïne qui vivent déjà des conséquences négatives relatives aux jeux de hasard et d’argent.

Dépister et traiter les problèmes de jeux de hasard et d’argent

Cette étude met de l’avant les difficultés d’accès aux programmes de réduction des risques liés au jeu pathologique de la population consommatrice de cocaïne. «Un consommateur sur cinq subit des conséquences dans sa vie dues aux jeux de hasard et d’argent, explique la professeure Magali Dufour, l’auteure principale de cette étude et experte en jeu pathologique. Il est donc crucial que les programmes d’aide pour consommateurs de cocaïne abordent la problématique des jeux de hasard et d’argent.»

L’équipe de chercheurs insiste surtout sur l’importance de dépister et de traiter les problèmes de jeux de hasard et d’argent chez cette population vulnérable consommatrice de cocaïne par injection et/ou de crack. D’ailleurs, les auteurs rappellent que d’autres spécialistes du domaine avaient déjà tiré la sonnette d’alarme en 2013. «Les recherches menées par Holdsworth et Tiyce ont déjà souligné la nature secrète des problèmes de jeu, provenant peut-être du sentiment de honte et de la stigmatisation associée à cette pratique, ce qui souligne l’importance de déployer des efforts de manière proactive pour les détecter.»

Spécialisée en toxicomanie à la Faculté de médecine et des sciences de la santé, la professeure Magali Dufour s'intéresse à la cyberdépendance, aux jeux de hasard et d'argent, au phénomène du poker et des jeux en ligne. Elle fait partie du groupe de recherche qui a mené à la première étude sur la cyberdépendance au Québec publiée dans l'ouvrage La cyberdépendance - État des connaissances, manifestations et pistes d'intervention. Elle est chercheuse principale à l’Institut universitaire sur les dépendances, au Centre de recherche de l’Hôpital Charles-Le Moyne ainsi que dans l’équipe HERMES.


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