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Colloque international, 28 et 29 septembre 2016

Le dictionnaire perd-il de sa légitimité en passant du papier au numérique?

Définition du mot « société ».
Définition du mot « société ».

Photo : Dictionnaire Usito

Maintenant qu’Internet a rendu disponible une quantité innombrable de savoirs humains, que Wikipédia a avantageusement remplacé les encyclopédies traditionnelles et que se multiplient les projets collaboratifs, quel est le destin du dictionnaire de langue dans l’espace francophone?

Voilà une question importante à laquelle répondaient divers spécialistes provenant de l’Europe et de l’Amérique du Nord lors d’un colloque les 28 et 29 septembre derniers au Campus de Longueuil de l’UdeS.

« L’accès aux dictionnaires a été très variable au cours des derniers siècles, explique Nadine Vincent, professeure au Département des lettres et communications de l’UdeS et coorganisatrice de l’événement. Les dictionnaires étaient d’abord constitués de plusieurs volumes, ils coûtaient cher et ce sont surtout les notables et les communautés religieuses qui les possédaient. C’est avec l’arrivée des dictionnaires en un volume, comme le Petit Larousse illustré en 1905 et le Petit Robert en 1967, que leur utilisation s’est démocratisée. Internet marque une autre étape dans l’histoire des dictionnaires et, si le Web semble mettre en péril à court terme le sort des dictionnaires commerciaux, il assure une pérennité aux anciennes ressources qui deviennent accessibles à tous. »

Ce colloque est organisé par Nadine Vincent (Université de Sherbrooke) et Chiara Molinari (Università degli Studi di Milano, Italie).
Ce colloque est organisé par Nadine Vincent (Université de Sherbrooke) et Chiara Molinari (Università degli Studi di Milano, Italie).

Qu’ils n’existent qu’en version papier, que la numérisation leur permette une seconde vie ou qu’ils aient été entièrement conçus en version numérique, les dictionnaires dits « professionnels » désignent ici ceux conçus et rédigés par des lexicographes professionnels. Les usagers leur accordent-ils encore une crédibilité particulière? Le dictionnaire professionnel perd-il de sa légitimité en passant de la version papier à la version numérique?

« La question qui se pose pour le monde des dictionnaires est la même que celle qui se pose pour les journaux. Si les utilisateurs s’habituent à avoir accès à ce qu’ils cherchent gratuitement, qui fournira le contenu? Et comme pour le journalisme, qui assurera la crédibilité de ce contenu gratuit? Pour l’instant, rappelle la spécialiste, les dictionnaires collaboratifs peuvent être considérés comme des ressources complémentaires, mais ils ne répondent pas au même mandat que les dictionnaires professionnels. »

Face à la « démocratisation des savoirs », créée autant par l’accessibilité à une multitude de données diverses que par la possibilité nouvelle de produire du contenu, les spécialistes se questionnent sur l’évolution des représentations de la langue dans l’espace francophone et sur la langue elle-même. Les retombées identitaires de ce phénomène suscitent également un vif intérêt. Assistons-nous à la création d’une nouvelle identité francophone?

« Les dictionnaires commerciaux devant répondre avant tout aux lois du marché, ils n’intègrent pour l’instant que des emplois susceptibles de séduire les acheteurs potentiels, indique la professeure Nadine Vincent. La balance de la démographie penche invariablement du côté de la France et la description de la langue est centralisée à Paris. Il sera intéressant d’étudier quels impacts aura cet éclatement de la description, si éclatement il y a. Bien que l’évolution de la norme ne se mesurera que dans quelques décennies, il est passionnant de tenter dès maintenant d’identifier quelles tendances commencent à se dessiner. »

La professeure Nadine Vincent est coorganisatrice du Colloque international Dictionnaires, culture numérique et décentralisation de la norme dans l’espace francophone, qui se tenait les 28 et 29 septembre. Le colloque proposait d'interroger l’impact du numérique sur la conception des dictionnaires de langue dans l'espace francophone et invite les intervenants à réfléchir aux retombées de ces transformations sur la lexicographie en particulier, mais aussi sur la langue au sens large, autant sur les plans linguistiques que sociolinguistiques.


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