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La face cachée des USA
DOMINIQUE PELLETIER
Étudiante en communication, rédaction et multimédia en session d'études à
Portland, en Oregon
Généralement, quand on pense à la côte Ouest des États-Unis, on imagine
la Californie, les surfeurs et les bikinis. Au pire, si on est de la
génération grunge,
on se projette dans la brume de Seattle, les cheveux dans la figure et le
poncho mouillé. «Portland? C'est pas dans le Maine, ça?» Et bien non, chers
Sherbrookois. La terre du port dont je parle ici est bel et bien située au
nord de l'Oregon, entre la Californie et l'État de Washington.
«C'est où, ça, l'Oregon?»
C'est à peine si je savais qu'un des 50 États s'appelait Oregon. On
m'aurait demandé où je pensais que c'était, comme ça, puis j'aurais
probablement pointé un des rectangles en plein milieu du pays... J'ai
commencé à m'intéresser à Portland un peu par hasard, parce que deux
personnes différentes m'en avaient parlé en moins de 24 heures : «Ça a l'air
que Portland, en Oregon, c'est pas pire!» De brèves recherches m'ont permis
de voir que l'Oregon était situé directement sur la côte Ouest des
États-Unis. J'ai appris que l'environnement était au centre des
préoccupations des Oregoniens, et qu'ils étaient pleins d'initiative en ce
sens. J'ai lu que Portland aimait à se faire appeler Rose City, parce qu'il
y pousse des roses en quantité. Puis j'ai découvert le Fareless Square, une
zone un peu plus grande que le centre-ville où le transport en commun est
gratuit pour tous, en tout temps.
J'ai cru rêver en apprenant qu'à Portland, les brasseries artisanales
sont légion, et que la scène musicale y est plus vivante que partout
ailleurs. Pour couronner le tout, l'université la plus populeuse en Oregon,
l'Université d'État de Portland, est située à cinq minutes à pied du
centre-ville, en plein Fareless Square. Si j'avais su, je serais venue
avant!
Souriez, vous êtes filmé!
Mon arrivée glorieuse dans la grisaille de P-Town a été marquée par
l'accueil des Portlandais. Je pensais que c'était parce que je cachais mal
mon enthousiasme : après tout ce temps à en rêver, j'étais enfin arrivée!
Mais bien que mon air sympathique et mon sourire béat n'aient probablement
pas nui, j'ai vite compris qu'ici, les gens sont toujours pleins d'attention
les uns pour les autres. De la caissière à l'épicerie qui fait un effort
pour se souvenir de mon nom (et pour le prononcer comme il faut) jusqu'à
l'inconnue qui a rapporté mon sac oublié sur la terrasse d'un café (mon
passeport! mon iPod! mes cartes de crédit!), je n'ai que de bons mots pour
les Portlandais : ils sont beaux, ils sont souriants, ils sont
cool, et ils
me disent tous bonjour!
Apologie du
fast food
Quelques jours à déambuler dans les rues du centre-ville m'ont cependant
laissée perplexe : je n'y ai vu que des restaurants et des cabanes à
burritos... Y a-t-il des épiceries à Portland? Le gentil serveur à qui j'ai
demandé m'a offert une réponse toute orégonienne : «Ici, on mange souvent à
l'extérieur. Tu vas voir : il y a beaucoup de bons restos, puis c'est pas
cher! – Oui, mais c'est toujours moins cher de faire son épicerie, non? –
Pas tant que ça, qu'il m'a répondu. Moi, j'achète seulement des produits
bio, alors ça revient pas mal au même.»
Mon intégration à la culture américaine s'est donc fait presto : en vraie
Américaine, le fast
food fait maintenant partie de mon mode de vie. Mais attention :
si pour nous, Québécois,
fast food est
synonyme de gras trans et de patate frite, ici, le multiculturalisme fait
ses preuves! Le centre-ville de Portland compte des dizaines de restaurants
et de stands itinérants où on offre des repas rapides, savoureux et santé,
et ce, pour moins de 5 $. Thaï, indien, afghan, mexicain, tibétain,
éthiopien, végétarien : en voulez-vous? Il y en a pour tous les goûts!
Biologique et fier de l'être
Généralement, quand on parle de l'Oregon, la fibre biologique sort du
portrait. Ici, l'environnement, c'est important! Mais j'ai tout de même été
surprise de constater que les applications quotidiennes ne sont pas les
mêmes qu'au Québec. Si chez nous l'accent est mis sur le recyclage,
l'économie d'énergie et les technologies hybrides, ici, ce sont les
matériaux écologiques, la consommation locale et les produits biologiques
qui ont la cote. La différence est mince, mais elle est bien là : si je vais
m'asseoir à un café de Portland pour faire mes travaux, je boirai
probablement dans un verre de carton; rares sont les endroits où les tasses
sont réutilisables. Mais une grande partie des produits que j'achète sont
made in Oregon;
la plupart des restos affichent un menu bio; les journaux locaux font la
promotion des artisans du coin; les
eco-roofs
poussent comme des champignons. Si tous les États étaient comme l'Oregon, on
s'en ferait même pas pour Kyoto...
Un spectacle n'attend pas l'autre
Après un mois et demi, j'en suis arrivée au constat que, pour la maniaque
de musique que je suis, Portland, c'est le paradis... mais en plus cher!
Depuis mon arrivée, j'ai assisté à plus d'un concert par semaine, et je me
retiens à deux mains chaque fois que je passe devant un magasin de disques.
Il se trouve qu'une grande partie des artistes qui composent la trame sonore
de ma vie viennent de Portland, et que les autres profitent de l'automne (ou
du fait que je suis ici?) pour brûler les planches d'une des nombreuses
salles de spectacle dont regorge P-Town... Il n'y a pas de doute : la
nouvelle Mecque de la musique indépendante, c'est Portland!
Eat your heart out,
Seattle!
Voilà où j'en suis : la première
moitié de mon voyage est derrière. Quand je pense que dans quelques
semaines, tout ce qu'il me restera, ce sont des souvenirs, je regrette
d'avoir attendu la dernière session de mon bac pour partir en échange. Trois
mois,
come on! J'ai à peine le temps
de défaire mes bagages...
Arlene Schnitzer Concert Hall, rue
Broadway. |
De ma chambre au 15e étage : une vue imprenable
sur le fameux mont Hood.
Photos : Dominique Pelletier |
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